1. Pratique sociale caractérisée par des dépenses somptuaires, la recherche de commodités coûteuses ou de biens raffinés et superflus, souvent par goût du faste ou désir d'ostentation. Le luxe amollit, corrompt l'âme, les personnes; le luxe appauvrit, enrichit la société. Ce ne serait pas une haine intelligente que la haine du luxe. Cette haine impliquerait la haine des arts. Cependant, chez les gens d'église, en dehors de la représentation et des cérémonies, le luxe est un tort (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 62).Le luxe ne désigne pas une qualité de l'objet possédé, mais une qualité de la possession (Sartre, Être et Néant, 1943, p. 666):1. Il se sentait reprendre goût au luxe, et se le permettait. À quoi bon s'imposer un sacrifice inutile? Et puis, le luxe est une nécessité. Il faut paraître, tenir son rang. Il faut des domestiques, des hommes qui vous libèrent des besognes matérielles...
Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 471.
− ÉCON., vieilli. Consommation improductive, somptuaire de biens coûteux, raffinés, superflus. Le luxe consiste essentiellement dans les dépenses non productives, quelle que soit d'ailleurs la nature de ces dépenses (Destutt de Tr., Comment. Esprit des lois, 1807, p. 79).La consommation propriétaire a été nommée luxe par opposition à la consommation utile (Proudhon, Propriété, 1840, p. 287).
− P. méton. Goût pour le luxe. Un ministre (...) pour satisfaire son luxe effréné dilapidait les trésors de l'Etat en prodiguant aux courtisans la substance des peuples opprimés (La Martelière, Robert, 1793, iv, 9, p. 50).Même en France, même au XIIIesiècle, il se dépensait beaucoup par luxe, à la cour royale et aux alentours (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 180).
2. P. méton. a) Collectif. Ensemble des biens coûteux ou parfois raffinés qui sont consommés ou dont on fait étalage par goût du luxe. Synon. raffinement, richesse.Le grand luxe; se vêtir, meubler un appartement avec luxe, sans luxe. Jour du dîner de Véron (...). Son luxe est surprenant: des pièces tendues en soie magnifique, le plafond compris. Argenterie somptueuse, musique pendant le dîner (Delacroix, Journal, 1849, p. 280).Dîner chez Feydeau, où sous le faux et le gros luxe, se perçoivent des embarras, des préoccupations d'argent (Goncourt, Journal, 1863, p. 1367):2. Daigremont le reçut avec son amabilité ordinaire, dans son hôtel princier, au milieu de ses tableaux de prix, de tout ce luxe éclatant, que payaient, chaque quinzaine les différences de Bourse...
Zola, Argent, 1891, p. 344.
− Dans le domaine
écon.Produits d'une très grande qualité, d'un très grand raffinement répondant parfois à des besoins superflus. Magasins de luxe. Les industries de luxe périclitent, et les portions de la fortune publique qui servaient à les entretenir sont absorbées par les industries d'alimentation ou d'objets de première nécessité (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 254).Ils ont un commerce de luxe et proposent à la convoitise féminine les éléments du costume les plus riches (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 197).♦ Taxe de luxe. Taxe sur les produits de luxe. Jusqu'en 1948 il y eut une «taxe de luxe» frappant certaines marchandises non indispensables (Romeuf1958).
−
(Un) luxe de qqc.♦ [Avec un compl. générique] Luxe de linge, de parure. Une argenterie merveilleuse de façon (...) séduisit les regards autant qu'un luxe de table qui parut inouï (Balzac, Rech. absolu, 1834, p. 316).
♦ [Avec un compl. au plur. ou une énumération] Elle embellit sa terre de Liancourt (...) avec une grande magnificence et un luxe presque royal de jardins et de jets d'eau (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 439).Les lustres, les appliques de cristal allumaient là un luxe de glaces et de meubles précieux (Zola, Nana, 1880, p. 1419).
−
[Emploi partitif] Il lui faut carrosse et chaise de poste. Il lui faut du luxe (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 14).Pour avoir du luxe à Versailles, les trois quarts de la France tirent la langue depuis cent ans! (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 214).♦
[Dans un cont. iron.] C'est du luxe, ce n'est pas du luxe. C'est, ce n'est pas d'un grand raffinement. Vous trouverez une chambre qui a strictement les quatre murs; quelquefois un plancher: c'est du luxe; quelquefois une natte; c'est du raffinement (About, Grèce, 1854, p. 407).À Falicon, je sais un endroit où ils donnent à manger. Oh! naturellement ce n'est pas du luxe (Romains, Hommes bonne vol., 1939, p. 85).Fam. Ce n'est pas du luxe. Ce n'est pas une dépense inutile, superflue. On l'aura la femme de ménage! (...) sans compter que j'en ai bien besoin! ça sera pas du luxe! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 363). b) Gén. au plur. Bien coûteux ou parfois raffiné. On voit jusqu'à trente ans Léonard mener grand train à Florence; il avait chevaux, domestiques, beaux habits, tous les luxes du temps (Gautier, Guide Louvre, 1872, p. 203).Le guerrier qui avait visité les pays lointains y avait découvert toutes les ressources, toutes les curiosités, tous les luxes offerts par les climats et les arts divers de l'étranger (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 56).V.
excellent ex. 1 et
ceinture ex. 12.
−
[Qualifie un bien, un service relativement superflu ou coûteux dans une situation de rareté ou compte tenu des habitudes d'une pers.] Je t'envie les bains de mer, devenus à présent un luxe impossible (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1942, p. 528).Il y avait de l'eau chaude, luxe insolite à Paris, en ce mois d'avril 1944 (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 259):3. L'ouvrier va manger (...)
Chez le traiteur fumeux où l'on sert l'ordinaire.
Mais l'apprenti n'a pas de ces luxes. Avec
Une saucisse plate et deux sous de pain sec
Il déjeune...
Cros, Coffret santal, 1873, p. 118.
♦
[Dans une constr. qualificative antéposée] Les Grecs, à de très-rares exceptions près, ne fument hors de chez eux que la cigarette (...). Les étrangers se permettent seuls le luxe du cigare (About, Grèce, 1854, p. 392).Ma mère, fâchée de s'être laissé forcer la main, me refusa le luxe d'une mise en plis (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 238).Se donner, s'offrir, se payer le luxe de (faire) qqc. Andrea sonna son unique valet de chambre, qui (...) soignait le cheval anglais dont le capitaine s'était donné le luxe (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 147). 3. De luxe, loc. adj. Qui est d'une très grande qualité, raffiné et coûteux. Synon. partiel luxueux.Article, objet, produit de luxe, de grand luxe, de demi-luxe; train de luxe, animal de luxe. Ces éditions de luxe aux exemplaires rares et numérotés (Mallarmé, Corresp., 1876, p. 121).Il s'est même produit un fait curieux: les fins morceaux, les aliments de luxe ont eu tendance à baisser de prix (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 247).− En partic. Qui ne répond pas à un besoin de première nécessité. Il [un empire qui a vieilli] perfectionne les arts de luxe, et il néglige les arts utiles (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 294).La consommation incompressible ne se détermine pas par un tri plus ou moins arbitraire des consommations de base et des consommations de luxe (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 322).
−
[Avec une valeur iron.; en parlant d'une pers.; p. méton. d'un trait physique ou psychol.] Une station de taxis bien rangés au coin de la via Santa-Lucia, et quelques passants «de luxe» (Larbaud, Journal, 1932, p. 266).Mathieu entrevit sous son visage de luxe une face rude et avertie de femme de peine (Sartre, Sursis, 1945, p. 297).♦
Fam., péj. Poule, poupée de luxe. Femme (entretenue) très élégante et raffinée. À nous les poules de luxe et les stars des capitalistes (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 195).Fourrures, parfum, hauts talons, ongles rouges, sous les torsades de ses cheveux ambrés c'était une poupée de luxe parmi d'autres (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 269).Rem. Dans le lang. du commerce et de la publicité, (de) luxe peut être appliqué à un produit ou à un service qui ne présente pas de raffinement particulier et dont le prix n'est pas très élevé. Voiture de luxe; modèle luxe.
4. a) Qualité de ce qui dénote la richesse et le raffinement. Synon. somptuosité, richesse.Le luxe éclate dans qqc.; qqc. respire le luxe. Le guéridon couvert d'une dentelle au crochet, les chaises protégées par des carrés de guipure, mettaient là un luxe bourgeois net et solide (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 656).Un luxe administratif rouge sombre et grenat régnait dans la belle pièce grave (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 158).♦ [Dans un groupe déterminatif] Elles étaient d'une splendeur royale (...) Rien de si éblouissant d'or, et du luxe le plus rare (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 96).Ils avaient aménagé une garçonnière d'un luxe sordide, avec brûle-parfums, draperies de peluche, lampe d'albâtre (Morand, New-York, 1930, p. 237).
♦ Emploi attribut. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté (Baudel., Fl. du Mal, 1857, p. 86).Dans les coulisses même tout était luxe, aisance, cuisses, lumières, savons, sandwichs (Céline, Voyage, 1932, p. 439).
b) Caractère luxueux de quelque chose. Il revint doucement (...) un peu grisé du luxe abondant des équipages (Barrès, Barbares, 1888, p. 251).On cache un bijou dont le luxe vous paraît d'abord inutile (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 28):4. ... tous les meubles étaient du temps de Louis XV. Le lit, en forme de corbillard avec de grands panaches aux quatre coins, avait de doubles rideaux et une quantité de lambrequins découpés, d'oreillers et de garnitures dont le luxe et la finesse m'étonnèrent.
Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 219.
SYNT. a) Luxe éblouissant, oriental, raffiné, royal, somptueux, vulgaire; luxe effréné, insolent, ostentatoire, provocant, tapageur; luxe de riche, de roi. b) Appétit, besoin, goût, habitude, vie de luxe. c) Étaler luxe et plaisirs; luxe et misère.