A.− Vx. [L'accent est mis sur la valeur conditionnelle du verbe; souvent accompagné d'une loc. négative ou restrictive] Rendre possible, permettre quelque chose. La médiocrité de son revenu ne comporte pas la dépense qu'il fait (Ac.1798-1932).Le caractère d'Ambassadeur ne comporte pas qu'il en use autrement (Ac.1835, 1878).La loi du budget déjà retardée outre mesure ne comporte plus de délai (Maine de Biran, Journal,1818, p. 117).L'idée qu'ils [les Grecs anciens] se forment de l'âme et du corps de l'homme fournit matière à des œuvres que notre civilisation ne comporte plus (Taine, Philos. de l'art,t. 2, 1865, p. 135).Moment d'action vive et directe, qui ne comporte ni hésitation, ni inquiétude, ni pensée (A. Arnoux, Royaume des ombres,1954, p. 46):1. Dans le nouvel état de choses, le crime politique est un acte de simple révolte, qui ne saurait comporter aucune infamie, et que l'on arrête par des mesures de prudence, mais qui ne mérite plus le nom de crime, car son auteur ne ressemble point aux criminels.
Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 153.
− [Dans le domaine affectif]
Nous sommes aussi libres et heureux que le comporte la nature humaine (Crève-cœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie,t. 2, 1801, p. 326).Isabelle, à Thierry. − Il plaisante, voyons! Thierry. − Il y a des sujets qui ne comporte pas la plaisanterie (R. Martin du Gard, Un Taciturne,1932, p. 1254).Ne t'y trompe pas, le mot désintéressé ne comporte pas la moindre nuance d'ironie (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 69).Je crains de n'avoir pas su jouer la surprise aussi bien que la décence le comportait (Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 110):2. ... il est des situations qui ne comportent aucun soulagement, et ta pitié ne peut pas plus m'arracher mes remords, que tes conseils réparer ma faute.
MmeCottin, Claire d'Albe,1799, p. 159.
PARAD. a) Admettre, autoriser, commander, justifier, laisser accès à, permettre (d'être, de faire, etc.), souffrir, supporter, tolérer. b) Défendre, exclure, interdire, refuser, repousser.
B.− Usuel. Comprendre, réunir en soi par nature un (ou plusieurs) caractère(s) qualitatif(s) ou quantitatif(s), le plus souvent possible(s) ou virtuel(s). Notre enfance comporte des douzaines de destinées en puissance (Thibaudet, Réflexions sur la litt.,1936, p. 172).Le perçu comporte des lacunes qui ne sont pas de simples « imperceptions » (Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 18).La solitude et les moments de doute et de détresse qu'elle comporte (N. Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 142):3. Il faut, chaque année, remettre les problèmes en discussion, parce que toute diplomatie comporte une souplesse d'allures incompatible avec l'existence de statuts parfaitement clairs.
Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 105.
4. Par sa nature même, le langage comporte une limitation : la communication ne peut avoir lieu que dans la mesure où les sujets parlants émetteur et récepteur coïncident dans des limites précises d'espace et de temps.
Le Langage,1968, p. 515.
PARAD. Avoir, être muni de, offrir la possibilité de, renfermer; entraîner, impliquer, inclure, justifier.
SYNT. et EXPR. (Avec tous) les avantages, les risques, (toutes) les complications, les conséquences, les difficultés, les responsabilités que cela comporte; avec tout ce que cela comporte d'ennuyeux, de fâcheux, de monotone; cela ne comporte aucun engagement de votre part; un sujet comporte un dénouement heureux; un problème (ne) comporte une (pas de) solution; comporter des aspects essentiels, des modalités; comporter une part d'arbitraire, d'utopie.
−
P. ext. et plus ou moins fam. [L'obj. est quantifiable et désigne le plus souvent une chose concr.] Se composer de, compter (réellement, effectivement). L'ancien corps de logis ne comportait qu'un étage et des combles mansardés (G. Duhamel, Chronique des Pasquier, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, p. 133).Le bourg ne comporte que deux ruelles tortueuses et commerçantes fort longues (R. Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 99).Les poèmes soumis au jugement de l'Académie ne devront pas comporter plus de deux cents vers (Le Monde,19 janv. 1952, p. 7, col. 3):5. La timidité comporte au moins trois aspects : un aspect émotif et physiologique, un aspect social que nous retrouverons plus loin, et une composante d'inactivité.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 404.
SYNT. et EXPR. Un concours, un examen comporte une série d'épreuves; les études comportent différents éléments, différentes sections; un menu comporte différents plats; un dîner comporte deux cents convives.
Rem. Les puristes s'élèvent contre l'emploi de comporter comme synon. de se composer de, contenir, compter (dont l'époque mod. a imposé l'usage) et considèrent que cet emploi est impropre voire un contre-sens (cf. analyse de Dupré 1972). Il ne figure pas ds Ac.