1. Petit animal à la peau visqueuse, au corps dépourvu de queue, aux pattes postérieures longues et palmées adaptées à la natation et au saut, vivant près des lieux humides, en particulier près des mares et des étangs, et appartenant à la classe des Batraciens. Grenouille rousse; coassement, métamorphoses de la grenouille; brochette, fricassée de cuisses de grenouilles; grenouille de dissection. La grenouille, dans l'état imparfait de têtard, respire par des branchies, tandis que dans son état plus parfait de grenouille elle respire par des poumons (Lamarck, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 110).Sur la patte d'une grenouille décérébrée, on place une goutte d'acide; la patte se retire, voilà un réflexe moteur (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 88).La très étonnante faculté des grenouilles de gonfler comme un goitre leur gosier (Gide, Journal,1943, p. 242) :1. Il y a des personnes, à la campagne, qui ont une sangsue dans un bocal couvert d'un linge (...). D'autres ont une rainette. On a remarqué que quand la petite grenouille verte, (...) de la feuille du noisetier qu'elle hante cherche à s'enfoncer dans le creux de l'arbre ou dans les crevasses des murailles, elle pronostique la pluie. Dans son bocal, si elle s'assoit parmi les cailloux et les mousses du fond, c'est que le temps est à l'humide; il est au sec, si elle monte à la petite échelle de bois et pointe le nez hors de l'eau.
Pourrat, Le Temps qu'il fait, Paris, Albin Michel, 1960, p. 143.
♦ Grenouille(-)taureau. Grenouille de très grande taille, vivant en Amérique du Nord et dont le cri est semblable au mugissement du taureau. Le soir, (...) seules petites bouches d'orgue reliées à l'Europe, mais qui ne donnaient que quelques paroles mesurées comme par un câble, les grenouilles-taureaux (Giraudoux, Suzanne,1921, p. 126).On entendait dans le lointain le rire énorme de la grenouille-taureau qui abonde dans ces parages (Cendrars, Du monde entier,1957, p. 143).
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[P. allus. littér.] ♦ [P. allus. littér. à la comédie d'Aristophane Les Grenouilles] Ses feuilletons [de Rémonville] étaient les feuillets déchirés et volants d'un beau livre sans suite, une merveilleuse école buissonnière à propos de théâtre, de quinquets et de lazzi. − S'il entrait au Palais-Royal, c'était avec la chanson des grenouilles d'Aristophane (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 175).
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[P. allus. littér. aux Fables de La Fontaine] [La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf (Livre I, fable III)] − Nous irons ensemble à la chambre, dit le banquier en rentrant dans l'attitude de la grenouille qui veut imiter le bœuf (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 267) :2. Comment le mensonge ne serait-il pas une tentation quand l'homme, faible et puéril, est si vite ébloui : par l'hermine d'un magistrat, par une grenouille qui fait le bœuf, par un paon qui fait la roue, par un sourire?
Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 13.
[Les Deux Taureaux et une Grenouille (Livre II, fable IV)] Terribles voisins que ces ducs de Lorraine et de Bar, ce comte de Vaudémont (...) toujours en guerre entre eux. Le villageois les observait comme la grenouille de la vieille fable regarde les taureaux combattre (A. France, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 20).[Les Grenouilles qui demandent un Roi (Fable 66 d'Ésope reprise par La Fontaine, Livre III, fable IV)] Le fabuliste Ésope fleurissoit aussi dans cet âge célèbre. Passant un jour à Athènes et trouvant les citoyens impatients sous le joug de Pisistrate, il leur dit : « Les grenouilles, s'ennuyant de leur liberté, demandèrent un roi à Jupiter. Celui-ci se moqua de leur folle prière... etc. » (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 133).V.
aussitôt ex. 6 :
3. Sir Henry avait paru fait pour calmer les amours-propres. On l'avait choisi parce qu'on le croyait terne (...). Mais les grenouilles qui croyaient avoir choisi en Campbell-Bannermann un roi soliveau, découvriront vite leur erreur. L'homme était un vrai chef...
Maurois, Édouard VII,1933, p. 128.
− [P. allus. bibl. à la 2eplaie d'Égypte (Exode 7, 26 8 à 11)] David Sichel étant aussi entré, Fritz, pour se moquer de lui, se mit à soutenir que les juifs avaient l'habitude de tuer les cigognes et de les manger à la pâque avec l'agneau pascal, et que cette habitude avait causé jadis la grande plaie d'Égypte, où l'on voyait des grenouilles en si grand nombre, qu'elles entraient par les fenêtres, et qu'il vous en tombait même par les cheminées (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 74).V. envahir ex. 3.
− Pop., vieilli. Jus, sirop de grenouilles. Eau. Par Zeus, fit-il tout à coup, je crois que vous m'offrez la carafe! Foin de cette liqueur de grenouilles! Me prenez-vous pour un buveur d'eau comme mon noble ami Gérard de Seigneulles (Theuriet, Mariage Gérard,1875, p. 143).Escagasser le jus de la vigne avec de la tisane à grenouilles, ça offense Dieu et la nature (Arnoux, Rhône,1944, p. 165).
− Souvent p. plaisant., domaine de la météorologieSymbole de la profession. V. ex. 1 et L. Broomhead, Je découvre la météorologie, Paris, A. Leson, 1978, p. 102.
− Homme*-grenouille.
2. Au fig. a) Péj. Femme. Une grenouille qui joue de la prunelle dans la rue pour embobiner les passants (E. Pouget, Le Père peinard, Paris, Galilée, 1976[16 avril 1893]).
b) Fam. Grenouille de bénitier. Personne faisant preuve d'une dévotion excessive et affectée. À son confessionnal, j'en aurais pour longtemps à l'attendre (...) c'est l'heure des grenouilles de bénitier (Gyp, Mar. Chiffon,1894, p. 88).[Les] dévotes à l'affût derrière les rideaux de leurs fenêtres (...) ces féroces grenouilles de bénitier (Arnoux, Algorithme,1948, p. 64).
c) Expr. proverbiale. Il n'y a pas de grenouille qui ne trouve son crapaud. Si laide soit-elle, une fille trouve toujours un mari (d'apr. Littré, Guérin 1882, Rob.).
d) [Pour exprimer une intention affectueuse] Attends, dit-il, attends un peu, ma petite grenouille, nous la reverrons notre Sainte Russie (Sartre, Sursis,1945, p. 284).V. brebiette, ex. de Rolland.
e) Au plur. péj., surtout ds le domaine de la
politique[P. allus. aux cris et à l'agitation des grenouilles dans une mare] Mare aux grenouilles. Groupe à l'intérieur duquel se nouent des intrigues, des tractations malhonnêtes (cf. grenouillage, grenouiller, grenouillère). J'ai fini La Terre jeudi, et je suis enchanté d'avoir lancé ce bouquin-là dans la mare aux grenouilles (Zola, Corresp. [avec Huysmans], t. 2, 1887, p. 682).L'occupation de Saint-Pierre et Miquelon par Muselier a été pour nous le moyen de jeter le pavé dans la mare. Aussitôt, les grenouilles ont crié, comme vous l'avez constaté (De Gaulle, Mém.,1954, p. 506) :4. J'aime les socialistes cotisants (...) mais dans leurs chefs de section et dans leurs prêcheurs de doctrine, j'ai presque toujours reconnu l'officier né; d'où une prompte retraite toujours dans le marais des misérables grenouilles radicales...
Alain, Propos,1922, p. 414.