VESSIE, subst. fém.
A. − 1. ANAT. [Chez l'homme et chez certains animaux] Poche membraneuse dans laquelle s'accumule l'urine sécrétée par les reins avant d'être expulsée par le canal de l'urètre. Vessie paresseuse, urinaire; inflammation, ulcère de la vessie; soulager la vessie. C'est la volonté qui, pendant le sommeil, maintient la contraction du sphincter de la vessie (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 380).Vraiment, si Swann avait trente ans de plus et une maladie de la vessie, on l'excuserait de filer ainsi (Proust, Swann, 1913, p. 270).
2. Organe de même nature, tiré du corps de l'animal, desséché et formant une sorte de sac pouvant contenir différentes matières. Vessie ficelée; vessie remplie d'huile; vessie de saindoux. Je suis comme l'enfant qui a oublié de mettre des pois dans sa vessie au carnaval, et qui n'entend aucun son en frappant sur le public (Balzac, Corresp., 1834, p. 477).Sept ans après avoir acquis notre fonds, vous ne le croiriez pas, docteur, je mettais encore mes billets dans une vessie de porc: la vieille m'a payé mon premier portefeuille en 1895 (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1398).− Loc. fig., fam. Prendre des vessies pour des lanternes. V. lanterne II.
− GASTR. En vessie. Mode de cuisson qui consiste à faire pocher une volaille à l'intérieur d'une vessie de porc séchée et hermétiquement close. Un dîner de gourmet, où une poularde cuite à l'étouffée dans une vessie de porc a pour sauce ce court-bouillon de volaille où flottent des truffes (Goncourt, Journal, 1896, p. 928).
3. P. ext. Membrane de matière quelconque, élastique, gonflée d'air et placée à l'intérieur de l'enveloppe d'un ballon. Le ballon ovale de rugby (...), couturé aux côtes, dégonflé aujourd'hui et concave, larve molle, vessie à jour, insensible à la pompe (Arnoux, Suite var., 1925, p. 40).
B. − P. anal. (de forme). Poche étanche remplie de matière quelconque. 1. BOT. Arbre à vessies. Arbre dont les fruits, par leur forme, ressemblent à des vessies. (Dict. xxes.). Synon. baguenaudier1.
2. JEUX, vx. Jeu de la vessie. Exercice consistant à suspendre à une poutre par une corde, un sac rempli de son ou de farine et à l'envoyer sur son adversaire afin d'essayer de le renverser. Le jeu de la vessie était un jeu usité chez les anciens (...) et il était considéré comme fort utile pour la santé (D'Allemagne, Récr. et passe-temps, 1904, p. 246).
3. MÉDECINE a) Petite ampoule qui s'élève sur la peau. Synon. cloque, vésicule.Ces pustules s'agrandissent (...), elles sont transparentes et remplies d'une sérosité limpide et âcre, enfin elles ressemblent tout-à-fait à ces vessies (...) qui s'élèvent sur la peau, lorsqu'on y a éclaboussé de l'eau bouillante (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 445).
b) Vessie (à/de glace). Sac en caoutchouc muni d'une fermeture étanche, pour contenir de la glace (d'apr. Méd. Biol. t. 3 1972).
4. MUS. Sac allongé qui entre dans la constitution de certains instruments de musique (cornemuse, musette). Musette (...) Instrument à vent formé de trois tuyaux (...) munis d'une anche et d'une sorte d'outre ou de vessie en peau de mouton que le joueur tient sous le bras (Rougnon1935, p. 245).♦ PEINT. Petit sac contenant de la peinture. [Il] lisait à voix basse des passages, tandis que Pellerin et Frédéric examinaient ensemble la palette, le couteau, les vessies (Flaub., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 67).
♦ Vert de vessie. Colorant vert foncé. Le vert de vessie (...) est obtenu en partant des baies d'un nerprun purgatif (Coffignier, Coul. et peint., 1924, pp. 472-473).
C. − ZOOL. [Chez la plupart des poissons] Vessie natatoire, absol., vessie. Sac membraneux relié à l'oesophage qui, en se remplissant plus ou moins d'air, permet de faire varier le poids du corps et règle ainsi l'équilibre du poisson dans l'eau. Nous avons indiqué comment les poissons pouvoient se rendre à volonté plus lourds ou plus légers, au moyen de leur vessie natatoire (Cuvier, Anat. comp., t. 5, 1805, p. 271).Il alla rôder autour de sa tante Claire, pour avoir les vessies des carpes et des brochets qu'elle vidait; il les posait par terre, les faisait péter; cela l'enthousiasmait (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 724).
D. − Au fig., littér. Chose vaine, de peu de valeur, insignifiante comme si elle était gonflée d'air. C'est que tous ces gens-là portent sur eux constamment des vessies de précaution, remplies d'air et de belles paroles (Sainte-Beuve, Pensées, 1868, p. 109).Je hais la peinture de Bonnat et consorts, je hais ces mystifications de grand art, ces vessies que la lâcheté du public et de la presse finit par faire accepter pour des lanternes; mais je hais davantage encore, s'il est possible, ces autres vessies qu'on appelle la sculpture contemporaine (Huysmans, Art mod., 1883, p. 97).
REM. Vétiole, subst. fém.,rare, littér. Petite poche remplie d'air. Le goudron qui enduisait les poutres et que la grande chaleur gonflait de vétioles pustuleuses (Genevoix, Boîte à pêche, 1926, p. 99).
Prononc. et Orth.: [vesi]. Fér. Crit. t. 3 1788, Gattel 1841, Littré, Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930 [vε-]. Martinet-Walter 1973, Warn. 1987 [ve-], [vε-], Martinet-Walter 1973 dans la proportion 10, 7. Lar. Lang. fr., Rob. 1985 [ve-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1200 dans l'expression d'une valeur minimale « chose sans importance, sans valeur (sens fig. de 2 a) » (Jean Bodel, Jeu St Nicolas, éd. A. Henry, 1527); 2. a) xiiies. « organe tiré du corps de l'animal, desséché et rempli d'air » (Li dis de la vescie a prestre ds Rec. gén. des fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. III, p. 116); b) 1314 « réservoir musculo-membraneux dans lequel s'accumule l'urine » (Chirurgie Henri de Mondeville, éd. A. Bos,460, t. I, p. 118); c) 1690 « membrane gonflée d'air placée à l'intérieur de l'enveloppe d'un ballon » (Fur.). Du b. lat. *vessica, altér. du lat. vesica « vessie », « objet en peau de vessie ». Fréq. abs. littér.: 357. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 096, b) 285; xxes.: a) 289, b) 255. Bbg. Corbett (N.L.). Prendre des vessies pour des lanternes. Fr. mod. 1969, t. 37, pp. 193-197. − Möhren (F.). Le Renforcement affectif de la nég. par l'expr. d'une valeur minimale en anc. fr. Tübingen, 1980, pp. 233-234.