1. [P. anal. avec l'abondance, l'impétuosité des eaux d'un torrent] a) Masse de liquide qui coule en abondance. Torrent de boue. La fureur volcanique ne se modérait pas. (...) les torrents de lave serpentaient de toutes parts (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 174).Ce trois mâts, naufragé depuis peut-être trois siècles et remonté par miracle, vomissait des torrents d'eau sale, se vidait, s'allégeait (Mille, Barnavaux, 1908, p. 105).− En partic. Torrent artériel, circulatoire. Flux sanguin. Mais le chyle (...) ne suffit pas pour renouveler le sang veineux (...); il faut qu'il éprouve le contact de l'air avant de rentrer dans le torrent artériel (Cuvier, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 29).Étude de la circulation sanguine par injection dans le torrent circulatoire soit de globules marqués au radio-fer, soit de sérum sanguin marqué par des corps radioactifs (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 230).
− P. exagér. [Exprime l'idée de surabondance] Synon. déluge, flot1.Torrents de pluie; torrent(s) de larmes, de sang. Le duc (...) se crevait de fruits tout le jour (...) qu'il noyait de torrents de bière (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 34).Passant sur son visage une main qui transforma les torrents de pleurs en rus bourbeux, Zazie se tourna vers le type (Queneau, Zazie, 1959, p. 58).
b) P. ext. Masse d'un fluide ou d'éléments en mouvement, se répandant en abondance. Un/des torrent(s) de poussières, de vapeur, de vent; cracher, lancer, vomir un/des torrent(s) de fumée; un/des torrent(s) de feu; le torrent des nuages. J'ai, sans le vouloir, mis en marche le ventilateur invisible; c'est lui qui fait ce tintamarre en vomissant sur moi des torrents d'air glacé (Gide, Carnets Égypte, 1939, p. 1074):Tout flambait, l'air s'enflammait ainsi que de la poudre, d'un bout à l'autre des galeries. Ce torrent de flamme emporta le porion et les trois ouvriers, remonta le puits, jaillit au grand jour en une éruption, qui crachait des roches et des débris de charpente.
Zola, Germinal, 1885, p. 1555.
− Littér. Masse abondante d'une matière souple qui semble couler. Les torrents de la chevelure. Elle détacha ses épingles, et laissa tomber jusqu'à terre un torrent de cheveux noirs, où le soleil brilla comme dans une glace (Sand, Consuelo, t. 1, 1842-43, p. 67).La partie supérieure du monument béait et un large torrent de gravats s'échappait de la salle des fêtes (Green, Journal, 1935, p. 43).
− En partic. Masse dense d'hommes, de véhicules portée par un mouvement irrésistible. Synon. marée.Un torrent humain; un torrent d'employés; le torrent de la circulation. Enfin, l'Italie vit tour à tour rouler sur elle les torrents des Allamans, des Goths, des Huns et des Lombards (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t. 3, 1831, pp. 187-188).On entraînait tout, on balayait tout, on emmenait avec soi toute la foule sur son passage. Le torrent s'enflait, grondait, chantait, descendait au hasard, et sans que personne sût pourquoi, vers les boulevards (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 422).
c) Loc. adv. − À torrents ou, moins usuel, en torrents, par torrents. En abondance. La sueur coule en torrents du front des soldats (Chateaubr., Natchez, 1826, p. 273).De l'eau très sucrée, très chaude et que j'avale par torrents (Barb. d'Aurev., Memor. 1, 1838, p. 192).Il pleuvait à torrents, les ruisseaux débordés envahissaient les chaussées et les trottoirs, l'eau des égouts refluait dans les rues (A. France, Vie fleur, 1922, p. 422).En empl. adj. De la pluie à torrents, sous un ciel lourd et tout noir (Loti, Pêch. Isl., 1886, p. 121).
− En torrent. Avec impétuosité. De temps en temps une escouade, sous la conduite d'un sous-officier, dévalait en torrent d'un escalier (A. France, Anneau améth., 1899, p. 244).Je reviens à Avignon par la nuit d'étoiles que le vent du nord, en torrent, frotte et fait luire (Thibaudet, Princes lorr., 1924, p. 210).