1. [En parlant d'un homme] Qui est atteint d'impuissance sexuelle (v. impuissance C). C'est une chose singulière comme je suis écarté de la femme (...). Je suis devenu impuissant par ces effluves magnifiques que j'ai trop sentis bouillonner pour les voir jamais se déverser (Flaub., Corresp.,1845, p. 179).Il se fût accommodé sans embarras d'une anomalie qui eût été flatteuse. Mais il sentait bien que celle-ci était humiliante (...). Il hésita longtemps sur la catégorie d'anormaux où il se rangerait. Était-il impuissant, ou simplement frigide? (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 82) :4. ... tous les républicains soupçonnaient leurs adversaires non pas d'être impuissants, puisqu'ils se reproduisaient, mais de fonctionner à un régime diminué (...). De leur côté, les réactionnaires les considéraient comme des dévorants, des frénétiques de la bagatelle (...) et ils éprouvaient un sentiment de jalousie, comparable à celui d'une femme honnête pour une fille qui prodigue son ventre.
Aymé, Jument,1933, p. 241.
Rem. Le fait d'être impuissant est considéré, dans les cultures qui valorisent la virilité de l'homme, comme une tare, une anomalie honteuse, inavouable et laisse planer le doute d'une conduite sexuelle déviante, ce que met en évidence l'ex. suiv. de Flaubert : Un homme aussi sérieux (...) doit être calomnié. S'il est chaste, on le répute pédéraste (...). J'ai également eu dans un temps cette réputation. J'ai eu aussi celle d'impuissant (Corresp., 1852, p. 11), ce que confirme son utilisation comme insulte : Elle me traita même de flibustier, et d'impuissant (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Cas de MmeLuneau, 1883, p. 107).
− Emploi subst. Sa foudroyante beauté devait réveiller les impuissants, sa voix charmer les sourds, ses regards ranimer de vieux ossements (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 69).Moûlu dit (...) : « De temps en temps c'est pas un crime de parler d'amour, ça change les idées. » « Ce sont les impuissants qui parlent d'amour, dit Brunet. L'amour, on le fait quand on peut » (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 250).
2. Au fig. [En parlant d'un écrivain, d'un artiste] Qui est incapable de produire, de réaliser une œuvre. Artiste, auteur impuissant. On était venu (...) pour être un grand écrivain, on se trouve un impuissant folliculaire (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 14) :5. C'est le supplice d'une feuille de papier blanc qu'on aurait dans la tête et où la pensée (...) griffonne avec effort (...). Les hontes de soi-même d'être là impuissant, devant cette chose qu'on veut violer. On tourne, on retourne sa cervelle : elle sonne creux. Des rougeurs d'eunuque vous passent dans l'orgueil!
Goncourt, Journal,1862, p. 1100.
− Emploi subst. Aujourd'hui, un homme qui ne fait pas un livre est un impuissant (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1830, p. 40).L'art a ses impuissants et ses imposteurs (Malraux, Voix sil.,1951, p. 318).