a) [Le fait sur lequel porte l'acte de deviner se situe dans un avenir plus ou moins proche] Deviner (qqc. qui est à venir). Le prévoir avec plus ou moins de précision, le pressentir, l'imaginer. Ce bougre-là [Rimbaud] a deviné et créé la littérature qui reste toujours « au-dessus » du lecteur (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1906, p. 411).Elle fumait (...) en le regardant (...), d'un air hostile. Elle allait ouvrir la bouche et Henri devinait sa voix indignée (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 139):7. ... il [Proust] donna en 1914 Du Côté de chez Swann (...). On en parla dans quelques cercles comme d'un livre curieux et original, mais sans deviner l'étonnant renouveau qui devait sortir de là.
Thibaudet, Réflexions sur la litt.,1936, p. 185.
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CHASSE, par brachylogie. Deviner l'animal. Deviner le comportement de l'animal que l'on chasse : 8. Pour quitter la forêt Thibaud le sanglier devait traverser un petit bois (...), et de là, reprendre la plaine, ce fut dans cet endroit que les chasseurs qui avaient deviné l'animal allèrent se poster.
La Hêtraie, La Chasse, vén., fauconn.,1945, p. 186.
b) Deviner qqc.Découvrir quelque chose que l'on ne sait pas, et que l'on cherche à connaître le plus souvent, par des voies diverses non rationnelles (intuition, perspicacité, observation, comparaison, interprétation, supposition, conjecture, etc.) en ayant le sentiment d'être dans le vrai. MmeRostand devine d'instinct si une chose est bonne ou mauvaise. Elle ouvre un livre, lit deux pages, est fixée (Renard, Journal,1895, p. 278):9. ... j'ai pris comme règle de pratique cette maxime (...) : « Ce que l'on suppose d'après un raisonnement n'est jamais vrai ». Vous devinez ce qui a été dit dans un entretien secret; vous raisonnez brillamment, et je n'ai rien à dire contre vous que ce petit mot (...) : « Il n'en est rien. »
Alain, Propos,1929, p. 868.
SYNT. Deviner instinctivement, facilement, confusément qqc.; deviner qqc. par intuition, du premier coup d'œil, peu à peu; deviner la vérité; deviner la cause; deviner les sentiments, les intentions, le but de qqn; laisser deviner qqc. à qqn; ne rien laisser deviner de sa pensée; il est facile, impossible de deviner que; il est difficile de deviner pourquoi, comment; c'est bien simple à deviner.
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Emploi pronom. réfl. Les passants dévisageaient Renée, et Gilbert se devinait envié (Arland, Ordre,1929, p. 231).♦ Emploi pronom. à sens passif. La suite se devine; ça se devine. Où va-t-on? − On néglige de nous l'apprendre. Mais ça se devine (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 89).
♦ Emploi abs. Comment avait-elle su? Peut-être simplement qu'il y a ainsi une science du cœur qui devine, non de la tête, mais du cœur (Ramuz, A. Pache,1911, p. 264).L'esprit se forme à deviner; l'esprit lance des ponts sur des abîmes (Alain, Propos,1914, p. 176).
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Loc. fam. ♦ (Vous) devinez le reste. Après ce que je vous ai dit, vous en savez assez pour conjecturer, découvrir sans peine ce qu'il vous reste à apprendre. (Attesté notamment ds Ac.).
♦ Je vous le laisse à deviner. La chose étant aisée, je vous laisse conjecturer, découvrir (ce dont il s'agit). (Attesté notamment ds Littré).
♦ [Pour exprimer combien ce à quoi on fait allusion est inimaginable] Je vous le donne à deviner en dix, en cent, en mille. Ce dont il s'agit est tellement inimaginable que vous n'avez pas une chance sur dix, sur cent, sur mille de le conjecturer, de le découvrir par vous-même. (Attesté notamment ds Ac.).
♦ Par dérision. Deviner les fêtes quand elles sont venues. Dire, annoncer une chose connue de tous avec la conviction de surprendre son interlocuteur. (Attesté notamment ds Littré).
c) [Dans la conversation fam.] ♦ [Avec un sens affaibli, dans des expr. servant à présenter qqc. que l'on pose comme étant connu, certain] Vous devinez pourquoi, comment...; vous devinez bien que...; on devine bien... Le soir même, un journal raconta ce duel avec les plaisanteries que l'on devine (Arland, Ordre,1929, p. 170).Elle est venue ici, elle s'est sauvée de chez vous. Vous devinez pourquoi, je présume (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 99).
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À l'impér. : 10. « Qu'est-ce qui te prend? » m'a-t-elle demandé en riant, exactement comme je l'avais prévu...
− Qu'est-ce que tu lui faisais?
− Devine...
Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 90.
♦ [Gén. sous une forme plais.; p. allus. à deux vers de Corneille, dans Héraclius, IV, 5 : Devine si tu peux, et choisis si tu l'oses. L'un des deux est ton fils, l'autre est ton empereur et à l'extrême perplexité où ils plongent le tyran Phocas qui se trouve ainsi confronté à deux enfants dont il ignore lequel est son fils Martian, l'autre étant Héraclius à qui doit revenir l'Empire et dont Phocas veut la mort; pour exprimer le grand embarras où l'on se trouve parfois lorsque l'on doit choisir entre deux partis également forts] Devine si tu peux, et choisis si tu l'oses.
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Spéc. [Dans le cadre d'un jeu d'esprit; le compl. d'obj. désigne une devinette, une charade, un rébus, une énigme] Deviner une charade, un rébus, etc. En trouver la solution. Sphinx d'un nouveau genre, c'était contre celui qui devinait ses énigmes que se tournait sa fureur (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 2, 1817, p. 55).♦ Absol. Deviner juste, bien deviner. (Attesté ds Rob. et Quillet 1965).
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Loc. fig., fam. [En parlant de qqc. d'obscur, de difficile à comprendre] C'est une énigme à deviner. (Attesté ds Littré). P. ext. [En parlant de qqn qui est obscur dans ses paroles, ses écrits] Il faut toujours le deviner. (Attesté ds Littré).