1. Centre de résonance de la sensibilité aux phénomènes extérieurs, de la disposition à y répondre par des émotions diverses (joie, peine, colère, etc.) : 44. Tous ces hommes de fer, tous ces preux invincibles portaient dans leur poitrine un cœur tendre et naïf comme celui des enfans. On ne leur avait point encore appris à flétrir l'innocence naturelle de leurs sentimens, ou à en rougir. Ils n'avaient point encore desséché et glacé dans leurs âmes la source des émotions simples, pures et fortes, de cette rosée divine qui féconde et embellit la vie.
Montalembert, Hist. de Ste Élisabeth de Hongrie,1836, p. 72.
45. ... le cœur humain est le jouet de tout, et l'on ne saurait prévoir quelle circonstance frivole cause ses joies et ses douleurs.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 102.
46. Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville;
Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits!
Pour un cœur qui s'ennuie
Ô le chant de la pluie! (...).
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine!
Verlaine, Romances sans paroles,1874, p. 14.
47. Le goût de l'héroïque et du passionnel
Qui flotte autour des corps, des sons, des foules vives,
Touche avec la brûlure et la saveur du sel
Mon cœur tumultueux et mon âme excessive...
La nature, le bois, les houles de la rue
M'emplissent de leurs cris et de leurs mouvements;
Je suis comme une voile où la brise se rue.
Ah! vivre ainsi les jours qui mènent au tombeau,
Avoir le cœur gonflé comme le fruit qu'on presse
Et qui laisse couler son arome et son eau;
Loger l'espoir fécond et la claire allégresse!
A. de Noailles, Le Cœur innombrable,1901, pp. 19-20.
Rem. Dans certains ex., cœur prend une valeur péj. et se rapproche plutôt du sens de sensiblerie :
48. Il voyait l'art allemand tout nu. Tous, − les grands et les sots, − étalaient leurs âmes avec une complaisance attendrie. L'émotion débordait, la noblesse morale ruisselait, le cœur se fondait en effusions éperdues; les écluses étaient lâchées à la redoutable sensibilité germanique; elle diluait l'énergie des plus forts, elle noyait les faibles sous ses nappes grisâtres : c'était une inondation; la pensée allemande dormait au fond.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 388.
SYNT. Cœur + adj. Cœur affligé, agité, amer, aride, attendri, avide, battant, blessé, bondissant, bouleversé, brisé, broyé, chaviré, content, crevé, crispé, déchiré, désolé, dévoré, ému, froid, gai, glacé, gonflé, gros [Comme le cœur dont on dit qu'il est trop gros lorsque l'excès du chagrin semble engager celui qui souffre à le fuir (J. Bousquet, Traduit du silence, 1935-36, p. 76)], inondé, joyeux, lassé, léger, lourd [Le cœur n'est jamais si lourd que quand il est vide (Lamartine, Les Confidences, 1849, p. 376)], malheureux, meurtri, navré, noyé, oppressé, palpitant, rempli, saignant, serré [Si triste que fût notre cœur serré et ficelé de soucis (Barrès, Mes cahiers, t. 2, 1898-1902, p. 8)], souffrant, touché, tremblant, triste, troublé [Le cœur troublé de sensations extraordinaires, l'âme émue (Maupassant, Contes et nouvelles, t. 2, Menuet, 1882, p. 1251)], ulcéré. Adj. + cœur. Misérable, pauvre cœur. Subst. + de + cœur. Déchirement, pincement, serrement de cœur. Subst. + du cœur. Amertume, fibres, plaies, plaisir, tumulte du cœur. L'eau/ la pluie du cœur. Les larmes (cf. Lamartine, Les Confidences, Graziella, 1849, p. 253; Montherlant, Le Maître de Santiago, 1947, II, 3, p. 642). Cœur + verbe. Bondir, se briser, se déchirer, se dilater, éclater, s'élancer, s'émouvoir, s'épanouir, être en proie à, se fendre, se fondre, se glacer, se gonfler, palpiter, saigner, sauter, sentir, se serrer, tressaillir. Verbe + le/son cœur. Agiter, apaiser, arracher, attendrir, avoir/serrer/tenir (...) dans un étau, blesser, briser, broyer, crever, déchirer, dessécher, dévorer, dilater, échauffer, écraser, émouvoir, emplir, envahir, épanouir, étouffer, étreindre, faire battre/bondir/palpiter/saigner/souffrir/tressaillir, fendre, glacer, gonfler, habiter, inonder, mordre, navrer, noyer, occuper, percer, pincer, réchauffer [Réchauffa le cœur de la foule et la mit en meilleure disposition pour écouter le discours (Aymé, Le Nain, 1934, p. 241)], réjouir, remplir, remuer, ronger, sentir battre, serrer, tordre, torturer, toucher, transpercer, traverser le/son cœur. Verbe + au cœur. Aller [Choses désuètes, froides, un peu scolaires, incapables d'aller au cœur, et surtout aux nerfs du public (H. Ghéon, Promenades avec Mozart, 1932, p. 328)], faire chaud/froid/mal, inspirer, parler au cœur. Verbe + dans le/son cœur. Couler, enfoncer/ plonger un poignard, s'enfoncer, entrer, éveiller, mettre, naître, nourrir, se passer, pénétrer, retentir dans le/son cœur. Verbe + sur le cœur. Avoir qqc./un poids, en avoir gros/lourd [Tapait les pieds d'un air rageur... devait en avoir gros sur le cœur (Zola, Son Excellence E. Rougon, 1876, p. 247)], garder qqc., peser (lourd), rester [Qu'elle est juste l'expression populaire « des paroles qui restent sur le cœur »! Celles-là faisaient un bloc dans ma poitrine (Bernanos, Journal d'un curé de campagne, 1936, p. 1085)] sur le cœur.
−
Loc. a) Princ. subst. Le cœur en fête (L. de Vilmorin, Le Retour d'Érica, 1946, p. 107). (Avec) l'angoisse/ un coup (de couteau)/le désespoir/l'espérance/la joie/la rage au/dans le cœur [La mort au cœur (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 4, Les Exploits de Rocambole,1859, p. 87)].De gaieté de cœur [De gaieté de cœur et par plaisir (Barrès, Les Déracinés,1897, p. 483)].b) Princ. verbales. Le cœur me fend (E. Rostand, Cyrano de Bergerac, 1898, I, 4, p. 49). À cœur fendre. S'en donner (etc.) à cœur joie [S'en donnait à cœur joie... y mettait toute la sauce (Céline, Mort à crédit,1936, p. 518)].Rem. Dans les nombreux syntagmes ou loc. auxquels cœur se prête en cette accept., on remarquera l'abondance des images évoquant des réalités très concr. (poids, volume, agitation, blessure, chaud ou froid, etc.) et rappelant les liens étroits du phys. et du moral.
− Proverbe. Cœur qui soupire n'a pas ce qu'il désire.
− P. allus. littér. [aux Psaumes, 104. 15] Le vin qui réjouit le cœur de l'homme (Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels,Les Demoiselles de Bienfilâtre, 1883, p. 7);cf. aussi Huysmans, L'Oblat, t. 2, 1903, p. 108.
3. Siège des sentiments liés à des situations particulières. a) [Dans les rapports familiers, amicaux] La servante au grand cœur (Baudelaire, Les Fleurs du Mal,1857-61, p. 174):51. On me demande des conformités qui ne sont pas en mon pouvoir, des expansions que j'accorderai par égard et jamais par nature, et des expressions d'une tendresse résidant dans ma raison et sans doute aussi dans mon cœur, mais non pas sensiblement et à précipiter les pulsations. Serais-je entendu si je m'exposais en cette manière? Ceux qui aiment avec le cœur peuvent-ils se rendre à la vérité d'une affection rationnelle?
M. de Guérin, Correspondance,1835, p. 222.
52. Mes parents, ma sœur, je les aimais : ce mot couvrait tout. Les nuances de mes sentiments, leurs fluctuations, n'avaient pas droit à l'existence. Zaza était ma meilleure amie : il n'y avait rien de plus à dire. Dans un cœur bien ordonné, l'amitié occupe un rang honorable, mais elle n'a ni l'éclat du mystérieux amour, ni la dignité sacrée des tendresses filiales. Je ne mettais pas en question cette hiérarchie.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 94.
♦ P. anal. (à propos d'un animal, d'un végétal ou d'une chose). Mon pauvre Childebrand à l'amitié si franche, Le meilleur cœur de chat et l'âme la plus blanche (T. Gautier, Albertus,1833, p. 130).Beau livre que l'on pourrait écrire sur « le cœur des plantes », où l'on montrerait l'exemple touchant de celles chez qui cet organe hypertrophié empêcha sans doute de se développer le cerveau, qui (...) préfèrèrent aux joies de l'invention celle très pure de conserver leurs enfants tout près d'elles (Gide, Feuillets,1889-1939, p. 808).
♦
[Avec une valeur allégorique] :
53. Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte;
En vain il [le pélican] a des mers fouillé la profondeur :
L'océan était vide, et la plage déserte;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur,
(...)
Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps;
Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Musset, La Nuit de mai,1835, p. 67.
SYNT. Cœur maternel, paternel; cœur de mère; ami de cœur. (Ne pas) porter qqn dans son cœur. Éprouver ou non de l'amitié pour lui (cf. Genevoix, Raboliot, 1925, p. 213).
♦
P. méton. [Avec une valeur symbolique] Partie médiane de la poitrine, en relation avec un mouvement exprimant l'affection. Étendit les bras, (...) sentit battre contre son cœur un cœur qui l'aimait (R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 327).SYNT. Cœur contre/sur cœur; appuyer/presser/serrer qqn contre/ sur son cœur.
Personne qui inspire ou éprouve de l'affection. Quel homme tendre c'était que cet archevêque, quel cœur sensible et fertile en ménagements! (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 28).Elle qui avait connu dans ses langes ce pauvre agneau, ce petit cœur joli (Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 104). b) [Dans les rapports amoureux (gén. p. oppos. à la sensualité, à la sexualité)] La pire de toutes les mésalliances est celle du cœur (Chamfort, Maximes et pensées,1794, p. 65).Le labyrinthe du cœur féminin : si compliqué et si plein de routes enchevêtrées (Theuriet, La Maison des deux barbeaux,1879, p. 128):54. Je l'aime beaucoup mieux quand je ne la vois pas que quand je la vois. En absence, mon imagination retranche ce qui la choque, ajoute quelque chose de ce qui manque, suppose ce qui lui convient. Je l'ai pensé souvent : le sentiment de l'amour n'a rien de commun avec l'objet qu'on aime. C'est un besoin du cœur qui revient périodiquement à des époques plus éloignées que les besoins des sens, mais de la même manière; et comme l'attrait des sexes fait qu'on cherche une femme dont on puisse jouir, n'importe laquelle, le besoin du cœur cherche à se placer sur un objet qui l'attire ou par de la douceur, ou par de la beauté, ou par telle autre qualité qui devient le prétexte que le cœur allègue à l'imagination pour justifier son choix.
Constant, Journaux intimes,1803, p. 33.
55. J'éprouve pour toi un mélange d'amitié, d'attrait, d'estime, d'attendrissement de cœur et d'entraînement de sens qui fait un tout complexe, dont je ne sais pas le nom mais qui me paraît solide. (...). Les sens, un jour, vous mènent ailleurs; le caprice s'éprend à des chatoiements nouveaux. Qu'est-ce que cela fait? Si je t'avais aimée dans le temps comme tu le voulais alors, je ne t'aimerais plus autant maintenant. Les affections qui suintent goutte à goutte de votre cœur finissent par y faire des stalactites. Cela vaut mieux que les grands torrents qui l'emportent.
Flaubert, Correspondance,1852, p. 347.
56. ... je sentais grandir en moi une étrange et poignante émotion, un attendrissement infini, quelque chose comme un besoin d'ouvrir mes bras pour étreindre, et d'ouvrir mon cœur pour aimer, de me donner, de donner mes pensées, mon corps, ma vie, tout mon être à quelqu'un! Ma compagne murmura, comme dans un songe : « Où sommes-nous? Où allons-nous? Il me semble que je quitte la terre? Comme c'est doux! Oh! si vous m'aimiez... un peu!!! » Mon cœur se mit à battre. Je ne pus rien répondre; il me sembla que je l'aimais. Je n'avais plus aucun désir violent. J'étais bien ainsi, à côté d'elle, et cela me suffisait.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Lettre trouvée sur un noyé, 1884, p. 906.
57. La plénitude de cet amour le confondait. Il ne savait trop quel chemin prendre pour faire monter vers Dieu sa gratitude ni quel sens exact donner au terme : bénédiction. Tout cela palpitait entre ciel et terre. La douceur de certains mots lui était littéralement intolérable : celui de « petite Anne », celui de « fiancée ». Ils produisaient un arrêt du cœur réel, senti, d'une ou deux secondes. Dans sa poitrine, en attente et ne servant à rien, une sorte de velours intérieur trop chaud, s'étalait, contre lequel battait ce cœur. Il pensait aux vieilles images : feu, blessure, tant raillées; c'était bien cela cependant.
Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 111.
58. Notre amitié était une chose extrêmement bien. Mais le cœur infecte tout. Sur le plan de l'amitié, ou sur le plan de la sensualité, les choses sont saines, les plaies, s'il s'en forme, sont nettes. Arrive le cœur, et la plaie gagne, tout se prend. Combien de fois ai-je remarqué cela! − Ce que vous dites est absurde. Le cœur n'infecte rien; au contraire, il purifie tout. C'est trop idiot, à la fin! Et ce serait le « plan de la sensualité » qui serait pur! Je vous apporterais une grande passion physique, vous me la pardonneriez... être provocante, vous faire comprendre que je cherche seulement le plaisir, vous me mépriseriez peut-être, mais vous accepteriez. Mais vous offrir de l'amour, quelle gêne! quel ennui! Si on nous fichait un peu la paix avec l'amour!
Montherlant, Les Jeunes filles,1936, p. 969.
SYNT. Cœur + adj. Cœur aimant, ardent, brûlant, changeant, embrasé, enflammé, épris, éteint, fidèle, inaccessible, inoccupé, jeune (Hugo, Hernani, 1830, III, 1, p. 57), libre, occupé, passionné, percé, solitaire, tendre, trahi, transpercé, vide, vieux, volage. Cœur de + subst. Cœur de femme. Subst. + au cœur. L'amour au cœur. Subst. + de cœur. Affaire, amant, amour [mieux qu'un amour de tête, et pas tout-à-fait un amour de cœur (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. 2, 1851-62, p. 337)], coup (E. et J. de Goncourt, Journal, 1859, p. 647), jeunesse, peine (s) [Les peines de cœur et les infortunes idéales (Vigny, Chatterton, 1835, p. 238)], solitude, tendresse de cœur. − Arg. Valet de cœur (cf. I A 1b p. anal. de forme et de couleur, spéc., jeux). Subst. + du cœur. Blessure, courrier, entraînements, faiblesses, presse [Jusqu'au moment du moins où elle devint ma maîtresse et où je compris que la presse du cœur, qui enseignait à parler de l'amour, n'apprenait pas à le faire (Camus, La Chute, 1956, p. 1524)], trouble, vide du cœur. Subst. + des cœurs. Bourreau des cœurs [Beau mâle, bourreau des cœurs (Zola, Travail, t. 1, 1901, p. 39)]. − P. anal. Un beau casse-cœurs (Colette, La Jumelle noire, 1938, p. 80). Cœur + verbe. Aimer, s'amollir. Verbe + le/son cœur. Amollir, brûler, se disputer, donner, enflammer, gagner, offrir, partager, posséder, prendre, ravir, refuser, toucher, troubler le/son cœur. Verbe + avec/dans/de son cœur. Aimer avec/dans/de (tout) son cœur (Montherlant, Pitié pour les femmes, 1936, p. 1134). Verbe + du cœur. S'emparer du cœur, trouver le chemin du cœur.
Rem. Dans cette accept., les images évoquées par les assoc. syntagmatiques de cœur sont surtout celles de la conquête, de la combustion, de la blessure (cf. ex. 57).
Proverbe. Loin des yeux, loin du cœur (except.
Loin des yeux, près du cœur ds
Flaubert,
Correspondance, 1879, p. 240).
♦ [En réf. à la représentation iconographique stylisée du cœur symbolisant l'amour sentimental] Un cœur en or. ... peint un cœur enflammé pour dire l'amour, un cœur flétri pour dire le chagrin (Destutt de TracyÉléments d'idéologie,Grammaire, 1803, p. 308).Un nom de femme, Iris de carrefour, que surmontait un cœur percé d'une flèche semblable à une arête de poisson (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 304).
♦
P. méton. [Avec une valeur symbolique] Partie médiane de la poitrine en relation avec un geste exprimant l'amour sentimental. Appuyant sa main sur son cœur avec le geste passionné d'un jeune premier; je l'aime! (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 384).Presser Anne sur mon cœur, sur ma poitrine (Giraudoux, Simon le Pathétique,1926, p. 169).Personne qui inspire ou éprouve de l'amour sentimental. Ses triomphes féminins et cette longue brochette de cœurs ardents (Miomandre, Écrits sur de l'eau,1908, p. 56).Le tout de cette vie (...) trouver une compagnie, un beau cœur aimant près de qui demeurer toujours (Pourrat, Gaspard des montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 50).SYNT. Cœur + de + subst. Cœur d'artichaut*. Verbe + un/les cœur(s). Conquérir, gagner les cœurs; n'être qu'un (seul) cœur.
Loc. Une chaumière et un/deux cœur(s) (
cf. bonheur ex. 21).
Gentil/joli comme un cœur. Gentil/joli comme un amour. Dire qu'il est gentil comme un cœur (...) qu'il avait de beaux yeux (Musset, Namouna,1832, p. 398).Jolie comme un cœur (...) ma mignonne (A. France, Nos enfants,1887, p. 23).P. anal. Des vers jolis, jolis comme des cœurs (Renard, Journal,1897, p. 397).(Sans doute par contraction de joli comme un cœur, péj.) faire le joli cœur. Jouer les galants : 59. ... ils faisaient les jolis cœurs; les épaules rondes, l'air vaurien, ils répondaient par d'égrillards sourires au sourire amusé des filles plantées debout au seuil des maisons...
Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, 2epart., X, p. 211.
Rem. Except. employé adjectivement :
60. ... dans le genre brun, tout rasé, avec yeux de velours, épaules larges, et pas soupçon de hanches, on ne peut rêver rien de plus joli cœur que Jacques Lamberdesc, ...
Aragon, Les Beaux Quartiers,1936, p. 35.
[P. allus. littér. (à Racine, Phèdre, 1677, II, 5)] Charmant, jeune et traînant tous les cœurs après soi (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 192);cf. aussi
Sartre,
Les Mots, 1964, p. 155.
En interj. Terme d'affection (utilisé dans les rapports familiaux, amicaux ou amoureux). Les mots mon cœur, mon bijou, mon petit chou, ma reine, tous les diminutifs amoureux de 1770 (Balzac, La Vieille fille,1836, p. 261).Mon amour, mon inquiétude, mon cher cœur (Michelet, Journal,1857, p. 337).Mon petit cœur, mon cœur, ma petite chérie (Géraldy, Toi et moi,1913, p. 32). c) [Dans les rapports soc., humanitaires] Bonté, humanité, reconnaissance (...) tous les sentiments qui épanouissent le cœur (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 377):61. Il faudrait guérir l'âme. Le pauvre suppose qu'en liant le riche par telle loi, tout est fini, que le monde ira bien. Le riche croit qu'en ramenant le pauvre à telle forme religieuse, morte depuis deux siècles, il raffermit la société... Beaux topiques! Ils imaginent apparemment que ces formules, politiques ou religieuses, ont une certaine force cabalistique pour lier le monde, comme si leur puissance n'était pas dans l'accord qu'elles trouvent ou ne trouvent pas dans le cœur! Le mal est dans le cœur. Que le remède soit aussi dans le cœur! Laissez là vos vieilles recettes. Il faut que le cœur s'ouvre, et les bras... Eh! ce sont vos frères, après tout. L'avez-vous oublié? ...
Michelet, Le Peuple,1846, p. 175.
62. Un groupe n'est pas seulement une autorité morale qui régente la vie de ses membres, c'est aussi une source de vie sui generis. De lui se dégage une chaleur qui échauffe ou ranime les cœurs, qui les ouvre à la sympathie, qui fait fondre les égoïsmes.
Durkheim, De la Division du travail soc.,1893, p. XXX.
63. Il est à Bar-Le-Duc un fameux monument que les auteurs anciens appelaient « le mausolée du cœur ». C'est un squelette à demi décharné, cependant droit et irréductible, la tête levée, ses orbites vides tournées vers son cœur de vermeil qu'il tend à bout de bras, vers le ciel, dans un élan d'invincible volonté. Voilà l'idée qu'il faudrait qu'un architecte sût traduire en monument pour l'ossuaire de Douaumont. (...). C'est devant cette image posée dans ce lieu même des grandes souffrances, devant cette immortelle affirmation d'espoir et de vouloir, devant cet appel des morts qui nous tendent, à nous et au juge suprême, leur cœur à vérifier, que nous comprendrons le mieux comment toute haute vie, toute pensée, tout art, toute nation surgissent d'une profondeur de sacrifice.
Barrès, Mes cahiers,t. 13, 1920-22, pp. 248-249.
SYNT. Cœur + adj. Cœur compatissant, délicat, dévoué, dur, endurci, généreux, ingrat, reconnaissant, sec [Le cœur sec comme un caillou (Flaubert, Correspondance, 1870, p. 154)], sensible. Adj. + cœur. Bon [Joue[r] la comédie « du bon cœur » (...) guigne[r] le « bon effet » de sa générosité (Frapié, La Maternelle, 1904, p. 221)], brave, excellent, grand [Dans sa poitrine un grand cœur généreux, avide de faire le bien (R. Rolland, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, p. 1491)], mauvais, meilleur cœur. Cœur de + subst. Cœur d'airain [D'une voix qui eût amolli un cœur d'airain (Sandeau, Melle de La Seiglière, 1848, p. 139)], de bronze, de glace, de granit, de marbre, d'or [Tu es un brave garçon, tu as un cœur d'or (Balzac, Pierre Grassou, 1840, p. 442)], de pierre (Karr, Sous les tilleuls, 1832, p. 140), de roche (Sue, Atar Gull, 1831, p. 7), de tigre, de vipère. Subst. + de/du cœur. Bonté, délicatesse, dureté, générosité, qualités, sécheresse de cœur; éducation du cœur. Verbe + le/son cœur. Écouter, endurcir, sécher le/son cœur. Verbe + le/du cœur. Avoir du/n'avoir pas de cœur [Jouer cœur est simple. Il faut en avoir, voilà tout (...) Votre cœur se cache par crainte du ridicule (...) Montrez votre cœur et vous gagnerez (Cocteau, Poésie critique 2, Monologues, 1960, p. 45)], manquer de cœur.
−
Loc. À votre bon cœur (formule pour solliciter la générosité de quelqu'un). (Donner/offrir/remercier...) de bon/de grand/de mauvais/de tout cœur. Verre d'eau donné de bon cœur (...) rendu au centuple (Claudel, Un poète regarde la Croix,1938, p. 267).Compatis de tout cœur aux difficultés que vous éprouvez (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Les Maîtres, 1937, p. 68).Mauvaise tête et bon cœur (Sardou, Rabagas,1872, IV, 5, p. 177).Avoir le cœur sur la main. Être enclin à une grande générosité. Désir sentimental d'une vie simple, le cœur sur la main, au milieu d'une bonté universelle (Zola, Nana,1880, p. 1367).J'ons le quieur sur la main et la main partout (Colette, La Naissance du jour,1928, p. 58).Être plein de cœur/ sans cœur. Un misérable sans cœur ni âme (Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 479).♦ P. méton. Personne considérée sous le rapport de sa générosité, de son altruisme. Ce cœur d'acier trempé (...) brigand par amour de l'humanité (About, Le Roi des montagnes,1857, p. 210).Des êtres ruisselants de vertu et qui ont le cœur sur la main? Les « cœurs sur la main » n'ont pas d'histoire (Mauriac, Thérèse Desqueyroux,1927, p. 170).Des riens de rien, des sans-cœur qui se fichaient de moi au lieu de m'aider (Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1519).
d) [Dans les rapports entre l'homme et Dieu (très gén. parlant)] −
[En parlant de l'homme priant, s'adressant à Dieu] Prier de tout son cœur. Notre cœur humain (...) étroit palais pour un hôte divin (M. de Guérin, Poésies,1839, p. 69):64. Ceux-là seuls veillent, ô mon Dieu, qui pensent à vous et qui vous aiment (...). Mais l'homme est-il fait pour jouir ici-bas d'une telle félicité? S'il en était capable, il aurait sa perfection. L'oubli des choses de la terre, et l'intention aux choses du ciel; l'exemption de toute ardeur, de tout souci, de tout trouble et de tout effort; la plénitude de la vie, sans aucune agitation; les délices du sentiment, sans le travail de la pensée; les ravissements de l'extase, sans les apprêts de la méditation; en un mot, la spiritualité pure, au sein du monde et parmi le tumulte des sens : ce n'est que le bonheur d'une minute, d'un instant; mais cet instant de piété répand de la suavité sur nos mois et sur nos années. La religion est la poésie du cœur; elle a des enchantements utiles à nos mœurs; elle nous donne et le bonheur et la vertu.
Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 112.
65. Le cœur, comme la raison, poursuit l'infini, et la seule différence qu'il y ait dans ces poursuites, c'est que tantôt le cœur cherche l'infini sans savoir s'il le cherche, et que tantôt il se rend compte de la fin dernière du besoin d'aimer qui le tourmente.
Cousin, Du Vrai, du beau et du bien,1836, p. 109.
66. L'esprit de l'homme est une image abrégée, mais fidèle et complète de l'infini. Quand un de ses foyers de vie s'éteint, il s'en rallume un autre plus brillant; c'est que ce principe appartient à Dieu seul. Lélia n'est pas foudroyée parce qu'un homme l'a maudite. Il lui reste son propre cœur et ce cœur renferme le sentiment de la divinité, l'intuition et l'amour de la perfection! Depuis quand perd-on la vue du soleil, parce qu'un des atomes que son rayon avait embrasés est rentré dans l'ombre?
G. Sand, Lélia,1839, p. 397.
−
Spéc., RELIG. CATH. ♦
[En parlant de Jésus-Christ considéré comme aimant l'homme] Cœur sacré/Sacré(-)Cœur (de Jésus) : 67. Dimanche 14 juillet. Fête du Sacré-Cœur. − Vue claire de ce qui fait pour plusieurs la difficulté; c'est qu'on matérialise trop cette admirable dévotion. On attribue trop au cœur matériel, au symbole ce qui ne doit être attribué qu'au cœur spirituel, à l'amour. Sans doute le cœur de chair est adorable, comme le corps de Notre-Seigneur « propter unionem divinam ». Mais il ne s'ensuit pas que ce cœur de chair soit le cœur spirituel, l'amour même, et le principe de l'amour, la source de l'amour. Il en est le symbole, adorable, aimable, comme le cœur d'un Dieu fait homme, comme le cœur d'un père.
Dupanloup, Journal intime,1872, pp. 327-328.
68. ... l'école de Paray elle-même hésite parfois entre la dévotion au cœur-amour et la dévotion au cœur-personne. C'est ainsi, remarque le P. Lebrun, que les premiers théologiens jésuites, « qui traitent de la dévotion au Sacré-Cœur, en étendent l'objet » aussi loin (que le P. Eudes) ... D'après le P. de Galiffet, l'élément spirituel qui, avec le cœur de chair de l'Homme-Dieu, constitue l'objet de la dévotion au Sacré-Cœur, ce n'est pas uniquement son amour, mais encore son âme sainte, avec les dons et les grâces qu'elle renferme, les vertus et les affections dont elle est le siège et le principe.
Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 3, 1921, p. 654.
[En réf. avec la représentation iconographique de ce cœur (enflammé, couronné d'épines, transpercé, etc.)] Des crucifix (...) des cœurs percés de glaives, flambant par le haut et saignant par le bas (Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 27).Image du Sacré-Cœur (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 279).P. méton. Lieu de culte ou congrégation vouée au Sacré-Cœur. La basilique du Sacré-Cœur (...) œuvre de vanité plus que de foi (Bloy, Journal,1904, p. 234).Blanche, écœurante comme un fromage, l'énorme provocation du Sacré-Cœur de Montmartre (Aragon, Les Beaux Quartiers,1936, p. 339).Les dames du Sacré-Cœur (Gyp, Souvenirs d'une petite fille,1928, p. 154).L'ordre des prêtres du Sacré-Cœur (Billy, Introïbo,1939, p. 165).♦
[En parlant de la Vierge Marie considérée comme médiatrice aimante et souffrante] Cœur de Marie : 69. Longtemps, il avait gardé au mur de sa cellule une gravure coloriée du Sacré-Cœur de Marie. La Vierge, souriant d'une façon sereine, écartait son corsage, montrait dans sa poitrine un trou rouge, où son cœur brûlait, traversé d'une épée, couronné de roses blanches. Cette épée le désespérait (...). Il l'effaça, il ne garda que le cœur couronné et flambant, arraché à demi de cette chair exquise pour s'offrir à lui. Ce fut alors qu'il se sentit aimé. Marie lui donnait son cœur, son cœur vivant, tel qu'il battait dans son sein, avec l'égouttement rose de son sang. Il n'y avait plus là une image de passion dévote, mais une matérialité, un prodige de tendresse, ...
Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1292.