1. Saisir par l'entendement, par un acte précis de la pensée conceptuelle : 8. Mais peut-on concevoir une limite supérieure de la conservation? Là est le vrai problème de l'éternité. Il est infiniment obscur : car si on conçoit comme positivement éternel l'acte qui appréhende une durée comme tout, comme présent − il semble que cet acte lui-même doive être ou bien un instant, privilégié peut-être, mais néanmoins engagé dans une durée qui le déborde, ou bien une simple vérité, c'est-à-dire un abstrait.
Marcel, Journal métaphys.,1918, p. 151.
9. Au contraire, les médecins se trouvent en présence à la fois de la réalité concrète et des abstractions scientifiques. Il faut que leur pensée appréhende simultanément les phénomènes et les symboles, qu'elle fouille les organes et la conscience, qu'elle pénètre avec chaque individu dans un monde différent.
Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 300.
10. Plus une forme se rapproche de la géométrie et de ses dispositifs simples, plus la pensée s'enthousiasme de pouvoir appréhender la complexité du réel par un acte élémentaire : bien qu'une courbe impeccable soit difficile à dessiner spontanément, le simple mouvement mécanique d'une droite autour d'un point central livrera la plus accomplie, la circonférence; avec elle, le carré, le triangle seront à la base des compositions de la peinture, parce qu'ils découlent d'un principe aussi aisément perceptible.
Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 170.
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P. ext. Saisir par les sens, percevoir : 11. Un cri d'oiseau, ce n'est pas si long, un sanglot de colère et de volupté,
Que notre oreille déjà n'appréhende ininterrompu le silence qui va lui succéder.
Claudel, La Messe là-bas,1919, p. 503.
12. Cette vérité créée, dont la notion est caractéristique de la philosophie chrétienne, appartient donc de plein droit aux choses sensibles et à la perception qui les appréhende.
Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,t. 2, 1932, p. 34.
2. Rare, emploi réfl. [L'obj. désigne une pers.] :
13. ... ce moi, qui se conçoit distinct d'un monde extérieur, ne se perçoit qu'en fonction de ce monde extérieur : il ne prend conscience de lui-même que dans les modifications qu'il subit du fait de ce monde extérieur. Il ne s'appréhende lui-même que mêlé et confondu avec les objets qui le déterminent.
Gaultier, Le Bovarysme,1902, p. 197.
Rem. Dans l'ex. suiv., l'aut. joue simultanément sur les différentes valeurs du terme : au plan concr. « saisir quelque chose (par les mains) » (cf. supra A), au plan phys. « saisir par les sens » (cf. supra C 1 p. ext.) et au plan de l'esprit « saisir par l'entendement » (cf. supra C) :
14. Accede, tange sceptrum. Approche, touche le sceptre, Esther!
Le sceptre dont il est question, c'est la croix, pas un autre au-dessus de la terre entière.
Approche, tu en es restée trop loin jusqu'ici.
Touche le sceptre et de la main comprends ce que tu as saisi.
Ce n'est pas assez que de voir, appréhende, prends connaissance par ton être :
C'est ainsi que le calice est placé entre les doigts du prêtre.
Claudel, Visages radieux,1947, p. 797.