A.− RELIG. Rendre un culte à Dieu, à une divinité, à un symbole divin, etc. : 1. Il y élévera une ville de paix et de lumière. Un peuple saint viendra l'habiter. Ses portes s'ouvriront au soleil levant, et ne se fermeront plus pendant toutes les éternités. Les nations y viendront au son des instruments, et en chantant des cantiques, louer et adorer le Seigneur, qui leur aura procuré tous ces bienfaits.
L.-C. de Saint-Martin, L'Homme de désir,1790, p. 396.
2. Dans quel canton de l'Inde est votre pagode? − Partout, répondit le paria : ma pagode c'est la nature; j'adore son auteur au lever du soleil, et je le bénis à son coucher.
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, La Chaumière indienne,1791, p. 100.
3. « ... si nous la [la nature] considérons avec un cœur simple, nous y verrons Dieu dans sa puissance, son intelligence et sa bonté; et comme nous sommes faibles, ignorants et misérables, en voilà assez pour nous engager à l'adorer, à le prier, et à l'aimer toute notre vie sans disputer. »
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, La Chaumière indienne,1791p. 107.
4. Tous les Tartares en général ont le plus grand respect pour le soleil; ils le regardent comme le père de la lune, qui emprunte de lui sa lumière; ils font des libations en l'honneur des élémens, et surtout en l'honneur du feu et de l'eau. Les Votiaks du gouvernement d'Orenbourg adorent la divinité de la terre, qu'ils appellent Mon-Kalzin; le dieu des eaux, qu'ils nomment Vou-Imnar; ils adorent aussi le soleil, comme le siège de leur grande divinité.
Ch.-F. Dupuis, Abrégé de l'origine de tous les cultes, préf., 1796, pp. 22-23.
5. Ainsi, la loi d'adorer Dieu, d'honorer son père, de respecter la femme d'autrui, est généralement obligatoire, et ne peut admettre de dispense, et la loi qui prescrit la manière d'adorer Dieu en entendant la messe le dimanche, en solennisant les fêtes, ou même de n'avoir qu'une femme, est conditionnellement obligatoire, suppose certaines circonstances de temps, de lieu et de position, et elle est susceptible de dispense; ...
L.-G.-A. de Bonald, Législation primitive,t. 2, 1802, p. 30.
6. Je ne vois pas là de quoi accuser et injurier les Turcs. Cette prétendue intolérance brutale, dont les ignorants les accusent, ne se manifeste que par de la tolérance et du respect pour ce que d'autres hommes vénèrent et adorent. Partout où le Musulman voit l'idée de Dieu dans la pensée de ses frères, il s'incline et il respecte.
A. de Lamartine, Voyage en Orient,t. 1, 1835, p. 442.
7. Si, tandis qu'elle court et cueille à la volée,
Une croix se rencontre, elle, soudain voilée,
Humble, ses yeux riants baissés, et de sa main
Faisant une autre croix lentement sur son sein,
Se prosterne à genoux, adore les mystères
Et prie éperdument les plus hautes prières.
M. de Guérin, Poésies,Maurice et François, 1839, p. 69.
8. lui. − Ah! monsieur, d'abord notre mère nous l'a bien dit, et puis après, quand j'ai été grand, j'ai bien connu de bonnes âmes qui m'ont conduit dans les églises où l'on se rassemble pour L'adorer et Le servir en commun, et pour écouter les paroles qu'Il a chargé ses saints de révéler aux hommes en son nom.
A. de Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point,1851, p. 425.
9. Ces différentes règles prouvent assez que, dans l'opinion des anciens, il ne s'agissait pas seulement de produire ou de conserver un élément utile et agréable; ces hommes voyaient autre chose dans le feu qui brûlait sur leurs autels. Ce feu était quelque chose de divin; on l'adorait, on lui rendait un véritable culte.
N.-D. Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 22.
10. Le Grand prêtre. − T'es-tu fait des images taillées ou des représentations des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont ici-bas sur la terre ou dans les eaux plus bas que la terre? (Saül hausse les épaules avec impatience). Ne t'es-tu pas prosterné devant elles et ne les as-tu point adorées? Car je suis l'Éternel, ton Dieu, un Dieu fort et jaloux.
A. Gide, Saül,1903, III, 5, p. 325.
1. Emploi abs. Adorer la divinité : 11. Pour moi, je vois Dieu partout, je sens mon âme par la conscience : qu'ai-je besoin d'autres preuves pour être bon père, bon ami, excellent citoyen, en un mot, honnête homme? Nos têtes s'inclinèrent, et nous adorâmes.
J. Dusaulx, Voyage à Barège et dans les Hautes-Pyrénées, t. 1, 1796, p. 201.
12. À peine a-t-il prononcé ces mots, qu'une force surnaturelle me contraint de tomber à genoux, et m'incline la tête au pied du lit d'Atala. Le prêtre ouvre un lieu secret, où étoit renfermée une urne d'or, couverte d'un voile de soie : il se prosterne et adore profondément.
F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 256.
13. Il étend au loin ses racines;
Comme un troupeau sur les collines,
Sa famille couvre Ségor;
Puis dans un riche mausolée
Il est couché dans la vallée,
Et l'on diroit qu'il vit encor.
C'est le secret de Dieu, je me tais et j'adore!
A. de Lamartine, Méditations poétiques,La Poésie sacrée, 1820, p. 260.
14. L'homme le plus bas aime mieux être juste qu'injuste, tous nous adorons, nous prions bien des fois par jour sans le savoir. Et l'on est étonné lorsqu'un hasard nous révèle soudain l'importance de cette part divine.
M. Maeterlinck, Le Trésor des humbles,1896, p. 246.
2. Loc. Adorer la Croix. (En partic. le jour du Vendredi saint) ,,Non en elle-même, ni comme instrument majeur du supplice du fils de Dieu, mais en ce qu'elle est couverte du sang divin, qu'elle représente Jésus-Christ étendu sur elle et rapporte réellement au Rédempteur l'adoration extérieurement rendue à la Croix.`` (Besch. 1845). ♦
Au fig. Adorer le veau d'or. ,,Faire la cour à un homme de peu de mérite, à cause de ses richesses.`` (Littré). L'histoire du veau d'or fabriqué et adoré par Israël pendant que Moïse était sur le mont Sinaï, est racontée au chapitre
xxxii du livre de l'
Exode.Rem. Adorer est en assoc. synon. avec rendre un culte (ex. 9), vénérer (ex. 6), est rapproché d'honorer, respecter (ex. 5). Le cont. étant relig. adorer se rencontre avec louer (ex. 1), bénir (ex. 2), prier (ex. 14), servir (ex. 8). On adore Dieu (ex. 5), le Seigneur (ex. 1), on adore aussi le soleil, la divinité de la terre (ex. 4), ou ce qui se rattache à Dieu ou aux divinités : les mystères (ex. 7), le feu (ex. 9). On adore les idoles (Alain, Propos, 1923, p. 565).
B.− P. ext. Manifester un attachement et une vénération admirative et passionnée pour un grand homme : 15. ... vous, qui avez lâchement sacrifié un peuple entier qui vous adorait à des hommes superbes qui vous méprisent; vous, qui pouviez jouir de la gloire immortelle de sauver la France, et qui avez préféré d'en être le fléau; quels fruits attendez-vous de vos manœuvres criminelles?
Marat, Les Pamphlets,Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, p. 194.
16. Quiconque étoit introduit devant l'Empereur se prosternoit et adoroit.
F.-R. de Chateaubriand, Études historiques,1831, p. 199.
17. L'aîné, soldat de 1792, blessé grièvement à l'attaque des lignes de Wissembourg, adorait l'Empereur Napoléon et tout ce qui tenait à la Grande Armée.
H. de Balzac, La Cousine Bette,1847, p. 22.
18. Elle les [les lettres] lisait tout haut à ma mère, qui haussait les épaules, et à Deschartres, qui les prenait pour paroles d'évangile, car l'Empereur était sa bête noire et il le tenait fort sérieusement pour un cuistre. Ma mère était comme le peuple, elle admirait et adorait l'Empereur à cette époque. Moi, j'étais comme ma mère et comme le peuple.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 349.
19. C'est un des nôtres ayant inventé parallèlement à ceux de notre âge, tous nos enthousiasmes de ce moment même et nos préférences. Il connaît la littérature française mieux qu'aucun d'ici, et adore et vénère Wagner.
S. Mallarmé, Correspondance,1872, p. 29.