a) Rare. Défaut, faute qui entache une personnalité. La vénalité, en effet, c'est là la plaie de Talleyrand, une plaie hideuse, un chancre rongeur et qui envahit le fond (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t.12, 1869, p.43).♦ Porter le fer (rouge) dans la plaie. Dénoncer une faute même si cela doit blesser. Je te semble dure, mais c'est pour ton bien. Il faut porter le fer dans la plaie (Mauriac, Asmodée, 1938, iv, 12, p.169).V. affliger ex. 13.
b) Cause, plus ou moins permanente, de souffrance morale. Synon. blessure, peine, tourment.L'archevêque, ému à la vue des plaies sanglantes de ce coeur déchiré, oublie qu'elle est coupable (Cottin, Mathilde, t.2, 1805, p.66).Notre plaie au fond, c'est l'ambition littéraire insatiable et ulcérée et toutes les amertumes de cette vanité de lettres (Goncourt, Journal, 1864, p.33):3. Sur le plan de l'amitié, ou sur le plan de la sensualité, les choses sont saines, les plaies, s'il s'en forme, sont nettes. Arrive le coeur, et la plaie gagne, tout se prend. Combien de fois ai-je remarqué cela!
Montherl., J. filles, 1936, p.968.
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[Constr. avec un compl. prép. de, ou un adj. marquant la spécification] Les blagueurs cachant sous un mot drôle la plaie saignante de leur défaite (Zola, L'OEuvre, 1886, p.310).Porter avec soi la plaie infâme de savoir que l'on ne guérira pas et que rien n'y fait (Claudel, Annonce, 1912, prol., p.22).♦
En partic., vieilli. Plaie d'argent, plaie financière, p.ell., plaie. Difficulté financière causant un grand souci. Il s'établit (...) dès l'origine de sa gestion, une sorte de malentendu qui (...) ne me permit pas d'entrevoir toute la profondeur de mes plaies commerciales et financières (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.390).Il s'était mis à brasser des affaires, à voyager et à boire à cause de ses grandes inventions et de ses plaies d'argent qui lui turlupinaient l'esprit (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.80).Proverbe. Plaie d'argent n'est pas mortelle. Les problèmes financiers, matériels ne sont pas les plus graves. Si plaie d'argent n'est pas mortelle, elle ne se ferme jamais (Renard, Journal, 1904, p.900).− Faire plaie. Causer une souffrance morale. Toutes ses supériorités firent plaie dans son âme au moment où le froid de la province le saisit (Balzac, Illus. perdues, 1837, p.48).Parfois des intonations retrouvées, des mots familiers (...) toute une manière de dire et de penser, cette ressemblance d'âme et d'allure (...) secouaient Lormerin de la tête aux pieds. Tout cela entrait en lui, faisait plaie dans sa passion rouverte (Maupass., Contes et nouv., t.1, Fini, 1885, p.1021).
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Locutions ♦ Jeter, mettre du baume sur une plaie. Apaiser une souffrance morale. Ces arrangements et ce bonheur jetèrent quelque baume sur les plaies de l'émigré (Balzac, Lys, 1836, p.98).
♦ Remuer, (re)tourner le fer (le couteau, le poignard) dans la plaie. V. fer B 2 b αet couteau A 2 d.
♦ Raviver, rouvrir une plaie. Rappeler, faire revivre une douleur passée et à demi oubliée. La vue des lieux où l'on a souffert ravive la plaie (Flaub., Corresp., 1878, p.111).[Le reniement] ravive la plaie ouverte d'une complicité intimement ressentie (Gracq, Syrtes, 1951, p.218).
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Toucher (à) une plaie. Découvrir une cause de souffrance morale. Jean sentit bien qu'il avait touché la plaie de cette âme (Maupass., Pierre et Jean, 1888, p.400).L'assourdissement de sa voix, la contraction de son vieux visage, si gai le moment d'avant, le froncement de ses épais sourcils, tout avertissait Marthe qu'elle touchait à une plaie (Bourget, Conflits int., 1925, p.43).SYNT. Plaie ardente, cuisante, dévorante, incurable, inguérissable, mortelle, ouverte, profonde, saignante, sanglante; plaie intérieure, secrète, sentimentale; plaie de la vie, de l'amour-propre, de l'orgueil; faire une plaie au coeur, au flanc de qqn; avoir une plaie au coeur, au flanc.