1. Rendre physiquement las, abattre les forces de. Synon. épuiser, exténuer, fatiguer, surmener.Lasser l'ennemi; être lassé de veiller. Les grands labours, pendant des semaines, occupèrent et lassèrent les hommes, les chevaux, les bœufs (R. Bazin, Blé,1907, p. 290).Ce travail et les sautes vives du temps contribuèrent à lasser mes nerfs (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 137):1. Benjamin Constant, un peu avant sa mort, était donc lassé, usé et archi-usé, presque éteint, et il ne se réveillait que par secousses.
Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 1, 1862, p. 436.
− Emploi abs. Cette sorte de danse lasse beaucoup (Ac.)
− P. anal. [Le compl. d'obj. du verbe désigne une chose] Les fruits étaient là; leur poids courbait, lassait déjà les branches (Gide, Nourr. terr.,1897, p. 242).
2. Remplir de lassitude morale. a) [La cause de la lassitude a sa source dans l'ennui, le dégoût] Lasser qqn; lasser le lecteur. Sans vouloir remonter bien haut, ni vous lasser par trop de préambules, je commencerai par l'antiquité (Musset, Il ne faut jurer,1840, p. 103).Quelle est la tragédie qui ne lasse? À bien plus forte raison un ouvrage comme l'Émile ou l'Esprit des lois (Delacroix, Journal,1854, p. 277):2. D'ordinaire, nous nous déplaçons, pour être ailleurs, parce que la monotonie de nos habitudes nous lasse. Nous espérons rajeunir nos sensations, en abandonnant pour quelques semaines ou quelques mois un milieu qui ne nous suggère plus ni plaisirs aigus ni peines attachantes.
Bourget, Essais psychol.,1883, p. 235.
♦ Être lassé(e) de qqn, de qqc.On adore telle femme qui commence à vous aimer, qui vous adorera quand vous ne l'aimerez plus, et qui sera lassée de vous quand vous reviendrez à elle (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 205).Le peuple (...) lassé de vingt-cinq ans de paroles sans actes, dégoûté des promesses, toujours renouvelées, jamais tenues (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 143).
− Expr. Tout passe, tout casse, tout lasse. Rien ne dure longtemps. Ça passera, ne t'inquiète pas. Des idées de femme, peut-être. Ça passera. Tout passe, tout casse, tout lasse (Duhamel, Terre promise,1934, p. 136).
b) [La cause de la lassitude a sa source dans le découragement] Si donc vous n'êtes pas résolus à combattre sans relâche, à tout supporter sans fléchir, à ne jamais vous lasser, à ne céder jamais (Lamennais, Paroles croyant,1834, p. 179).Sa prudence et sa fermeté finirent par lasser l'adversaire qui, sans nouveaux combats, évacua la terre d'Outre-Oronte (Grousset, Croisades,1939, p. 120):3. On le tient au secret, contrairement à la loi, pour l'énerver, le lasser, le décourager s'il est possible, et tâcher d'obtenir de lui quelque parole dont les faussaires tireront avantage...
Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 248.
c) [La cause de la lassitude a sa source dans l'excès des tentatives, l'impossibilité d'en supporter davantage] Lasser la bonne volonté de qqn. Elle [une femme] lassera ses juges, les surmènera au cours des interminables audiences (Colette, Vagab.,1910, p. 39).Les visites auxquelles Véronique (...) le poussait, n'ayant pas eu d'autre résultat que de lasser et finalement d'indisposer le haut clergé (Gide, Caves,1914, p. 706).♦ Lasser le ciel de. J'avois lassé le ciel d'une plainte importune (Lamart., Médit.,1820, p. 38).
♦ Lasser la chance, la fortune. Faute d'à propos, on mécontente le prochain, on perd sa peine, on lasse la fortune (Amiel, Journal,1866, p. 137).
♦ C'est à lasser la patience d'un saint. Il ne se doutait pas de l'embêtement qu'il me préparait. C'est à lasser la patience d'un saint (Flaub., Corresp.,1877, p. 333).
♦ Lasser qqn de qqc.Il la troublait et la lassait de tant d'arguments, que, la tête perdue, elle finit par consentir (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 261).