a) [En parlant d'une œuvre] Le dernier mot du christianisme dans l'art, la cathédrale de Cologne est restée inachevée (Michelet, Introd. Hist. univ.,1831, p. 423).Le Capital est resté d'ailleurs inachevé, parce que Marx se penchait à la fin de sa vie sur une nouvelle et prodigieuse masse de faits sociaux et économiques auxquels il fallait de nouveau adapter le système (Camus, Homme rév.,1951, p. 233) :2. ... saint Thomas conçut une œuvre digne de lui : ce fut une vaste synthèse des sciences morales, où serait dit tout ce qui se peut savoir de Dieu, de l'homme, et de leurs rapports; une philosophie vraiment catholique, summa totius theologiae. Ce monument, plein d'harmonie, malgré l'apparente aspérité de ses formes, colossal dans ses dimensions, magnifique dans son plan, demeura toutefois inachevé, semblable en cela même à toutes les grandes créations politiques, littéraires, architecturales du Moyen Âge, choses que le destin n'a fait que montrer et n'a pas laissé être jusqu'au bout...
Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 49.
♦ La Symphonie inachevée. Symphonie en mi et en quatre mouvements de Schubert dont on possède seulement les 110 premières mesures terminées par le compositeur, et, pour le reste, des esquisses avec les parties de violon et de basses in extenso. Il entendait passer des phrases de la Symphonie inachevée de Schubert. Pauvre petit Schubert! Quand il écrivait cela, il était seul, fiévreux et somnolent (...) dans l'état de demi-torpeur qui précède le grand sommeil (Rolland, J. Chr., Foire, 1908, p. 805).
− P. méton. du déterminé; [en parlant d'une pers.] Imparfait. Bossuet, sublime dans l'Oraison funèbre, n'a pas atteint la même excellence dans toutes les parties du Sermon; il y est inégal, inachevé (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 9, 1851-62, p. 273).
−
Emploi subst. masc. à valeur de neutre. Des licences pittoresques. Chaque maître leur doit souvent ses effets les plus sublimes : l'inachevé de Rembrandt, l'outré de Rubens (Delacroix, Journal,1850, p. 418).Piron, homme du métier, sentait bien l'incomplet de Voltaire, l'inachevé de ses œuvres d'art et ses à peu près dans l'exécution (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 7, 1864, p. 435).Carrière, dont les paroles ont le gris, l'incertain, l'inachevé de ses tableaux (Renard, Journal,1891, p. 91).Rem. Inachevé peut avoir, dans ces cas, le sens de « imparfait » (cf. Sainte-Beuve, Nouv. lundis, loc. cit.).
b) [En parlant d'une parole, d'un son] Qui n'a pas été entièrement prononcé ou entendu. Mot inachevé; phrase inachevée. Deux fois je crus entendre, éteints par la distance, Parmi les cris du vent des cris aigus courir, Mon nom inachevé dans des sanglots mourir (Lamart., Jocelyn,1836, p. 654).− Emploi subst. masc. à valeur de neutre. Il lui arrive assez souvent de ne pas achever ses phrases, ce qui donne à sa pensée une sorte de flou poétique. Elle fait de l'infini avec l'imprécis et l'inachevé (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1123).