2. [Le compl. désigne un phénomène nature] Faire disparaître en dispersant, en écartant; faire s'évanouir. Le vent, le soleil dissipe les nuages; dissiper les ténèbres, la nuit, l'obscurité : 1. Le soleil dissipait le brouillard : nous voyions, à trois quarts de lieue environ sur notre droite, une vieille ville, les toits en pointe...
Erckmann-Chatrian, Le Conscrit de 1813,1864, p. 99.
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P. anal. [Le compl. désigne] a) [un parfum] Crainte d'en faner les couleurs et d'en dissiper les parfums (Zola, Mes haines,1866, p. 148).Un baume subtil dissipe quelquefois tout son parfum, avant que l'on se soit aperçu de l'émanation qui s'en fait (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 237).
b) [une quantité de chaleur, d'énergie] Celui-ci [le corps vibrant] dissipe alors progressivement l'énergie qu'il contenait, tant par rayonnement d'ondes sonores que par échauffement interne (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 216).Cette opération s'effectuant avec un mauvais rendement, il faut dissiper des quantités de chaleur plus grandes (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 322).
c) [un objet immatériel] Cette armure inaltérable dont le toucher dissipait les fantômes (Gracq, Syrtes,1951, p. 46):2. Dans toute société paraît un homme préposé aux Choses Vagues (...). C'est le prêtre, le mage, le poète (...). Ils construisent de vapeurs des édifices qui ne sont pas solides, mais en revanche, qui sont éternels. Toute attaque les dissipe, nulle ne les détruit.
Valéry, Tel quel II,1943, p. 47
3. P. métaph. et/ou au fig. [Le compl. d'obj. désigne] a) [un état de conscience] Faire cesser. Ces images (...) dissipent la tristesse d'une vie languissante, et reposent sur le cœur flétri comme un songe aimable (Lamennais, Lettres Cottu,1822, p. 138).Je voulais absolument dissiper cette espèce de rancune que je pressentais chez Henri (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 189):3. Il existe pour toute pensée et pour toute chose profonde, amour, haine, un poison singulièrement énergique qui est tout le reste du monde, tout ce qui n'est pas elle, et qui la distrait, la dilue, la dissipe...
Valéry, Tel quel I,1941, p. 60.
SYNT. Dissiper une impression, une anxiété, un chagrin, une crainte, des inquiétudes, un malaise; dissiper un songe, un rêve, une chimère, des illusions.
b) [p. ext., une impression, un mal physique] Dissiper une migraine. L'usage journalier de l'eau [carminative] dissipe les cuissons occasionnées par le feu du rasoir (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 48).− P. méton., vx. [L'obj. désigne une pers.] Faire cesser les soucis de quelqu'un; distraire, amuser. J'entends qu'on me dissipe, Je veux être un peu gai! (Hugo, Cromw.,1827, p. 190).Absol. Allons, une prise! lui dit-il. Acceptez, cela dissipe (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 189).
c) [une réalité mensongère ou erronée] Faire cesser, éclaircir. Dissipant à jamais (...) les aberrations métaphysiques du siècle dernier (Comte, Philos. posit.,t. 4, 1839-42, p. 432).Dissiper tous les préjugés, dissoudre toutes les erreurs, déshonorer tous les mensonges, voilà la tâche que je me suis imposée (Hugo, Corresp.,1870, p. 253):4. Si donc on ne veut pas que le malentendu éclate, il faut le dissiper; si l'on veut éviter le scandale, c'est-à-dire la brutale publication du pacte noir, il faut favoriser l'« éclaircissement » qui préviendra la formation d'un ordre du mensonge...
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 193.
SYNT. Dissiper une ambiguïté, une confusion, une équivoque, une erreur; dissiper un doute, un malentendu, un préjugé, une prévention, un soupçon; dissiper de(s) faux bruits, un mystère, une rumeur.