1. Littér. Rendre comme fou, c'est-à-dire troubler profondément, généralement sous l'effet d'une passion, d'un sentiment ou d'une émotion violente. Anton. calmer :1. On pourrait dire de Maupassant qu'il est mort de peur. Le néant l'a affolé et tué.
J. Renard, Journal,1906, p. 1090.
2. Au cours de ce procès, il comptait déposer d'une façon mensongère et dont l'inculpé ne pourrait pas cependant prouver la fausseté. De cette façon, Bloch, qui ne mit du reste pas à exécution son projet, pensait le désespérer et l'affoler davantage.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 228.
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[Avec un compl., prép. de indiquant la cause du trouble] :
3. ... il peut faire tout ce qu'il voudra, il peut affoler d'admiration ou d'effroi une horde plus ou moins nombreuse d'intellectuels et de passionnés; ...
L. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 145.
4. Quelle puissance prit alors durant cette semaine sa pensée sur mon imagination. Comme elle m'aurait affolé de passion si elle s'était refusée, si elle avait disparu.
M. Barrès, Mes cahiers,t. 3, avr.1903-janv.1904, pp. 86-87.
Rem. Dans l'ex. suiv., le sens du verbe est déjà fortement affaibli :
5. Le temps était aussi mélancoliquement automnal que possible; c'était un soleil d'octobre, une lumière d'octobre; charmes doux qui m'affolent toujours de je ne sais quelle aimable tristesse.
J. Barbey d'Aurevilly, Deuxième Memorandum,1839, pp. 276-277.
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Emploi abs. : 6. L'horrible, ce vieux mot, veut dire beaucoup plus que terrible. Un affreux accident comme celui-là émeut, bouleverse, effare : il n'affole pas. Pour qu'on éprouve l'horreur il faut plus que l'émotion de l'âme et plus que le spectacle d'un mort affreux, il faut, soit un frisson de mystère, soit une sensation d'épouvante anormale, hors nature.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, L'Horrible, 1884, p. 240.
7. ... la faim vous talonne une armée pendant des jours. Elle ne terrorise ni n'anéantit. Elle angoisse, elle affole; et quand elle tient ses hommes et qu'elle en fait des loques ou des fauves, il n'y a plus d'obus qui comptent et l'ennemi n'est qu'un petit péril.
R. Benjamin, Gaspard,1915, p. 35.
Rem. 1. Ac. 1798-1835 : ,,Il n'est guère d'usage [1835 : usité] que dans le style familier et au participe.`` Cette rem. qui remonte à Ac. 1694 (cf. aussi Rich. t. 1 1680, infra étymol.) disparaît à partir de Ac. 1878. Ac. Compl. 1842, l'avait recueilli avec la note ,,vieux lang.``. 2. Littré, reproduisant presque textuellement une rem. et un ex. de Besch. 1845, signale encore la forme affolir « devenir fou » comme un mot vieux, mais non tout à fait hors d'usage, et donne comme ex. Cet homme affolit tous les jours. Il ajoute : ,,Il mériterait de ne pas périr tout à fait.``
2. En partic., vieilli. Rendre amoureux de quelqu'un : 8. ... je ne crois pas au surnaturalisme entre les vivants et les morts, hélas! mais je crois au surnaturalisme entre les vivants... L'amour, cette première vue qui fait deux êtres amoureux, ce coup de foudre qui en une seconde affole deux êtres l'un de l'autre... Voilà du surnaturel bien certain, bien positif! »
E. et J. de Goncourt, Journal,avr. 1889, p. 954.
Rem. Cf. aussi l'ex. 4, où affolé est accompagné d'un compl. précisant qu'il s'agit d'amour.
3. Sens affaibli, lang. peu soutenue. Faire perdre la tête, la maîtrise de soi dans l'action : 9. Comme toujours, lorsque au lieu de me laisser affoler et exaspérer par les faits, je les examine bien en face, pour graves et même cruels qu'ils soient, ils apparaissent moins radicalement insolubles.
Ch. Du Bos, Journal,mars 1925, p. 324.
10. [Pauline :] − (...) vers six heures, les dames excentriques ont surgi avec leur suite d'adorateurs. Ils avaient déjeuné au bord de l'eau; ils étaient très excités, ils ont affolé tout le monde, se sont moqués de nos grenadines, ont fait distribuer le reste de leur champagne ...
J. Chardonne, Les Destinées sentimentales,La Femme de Jean Barnery, 1934, p. 200.