a) [L'obj. est un subst.] Déterminer, marquer (par un jugement favorable ou défavorable) la valeur que l'on attribue ou doit attribuer à telle personne ou à telle chose abstraite. Pendant cette délibération, où l'amour paternel estimait toutes les probabilités, discutait les bonnes comme les mauvaises chances et tâchait d'entrevoir l'avenir en en pesant les éléments (Balzac, Enf. maudit,1831-36, p. 413).Les années, nous les estimons comme les fruits : à la saveur et au poids. Nous oublions que la pulpe n'est pas la graine (H. Bazin, Mort pt cheval,1949, p. 131):2. − Je ne suis plus étonné de ta méchante opinion sur les femmes, si tu les juges toutes par de pareilles [filles]. C'est absolument comme si on estimait le beau climat de la France par le ciel pleurnicheur de Paris.
Borel, Champavert,1833, p. 169.
♦ Estimer (qqn, qqc.) à son juste mérite, à sa (juste) valeur. Lecture de Arsène Guillot (...) Pourquoi cela n'est-il pas plus connu? Taine lui-même (...) ne paraît pas l'avoir compris ni estimé à sa valeur (Gide, Journal,1909, p. 276).
b) [Dans diverses constr.] Avoir une opinion sur, juger, croire. −
Estimer + subst. obj. + subst. attribut du compl. d'obj. vx.Édouard VII estima nos divisions une bonne chose (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 146):3. Vous étiez assez d'avis que c'était une salamandre. Nous l'avons mise au bûcher, pour voir. Elle a grillé... C'était donc bien une ondine (...). Hier également, cher Président, avec cette Gertrude (...). Vous l'estimiez une ondine. Nous l'avons fait jeter sous l'eau, tenue par un fil d'acier. Elle s'est noyée. C'était donc bien une salamandre.
Giraudoux, Ondine,1939, III, 3, p. 180.
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Estimer + adj. (attribut du compl. d'obj.) ou adv. + constr. inf.; estimer + subst. (ou équivalent) + adj. (attribut du compl. d'obj.) ou loc. adverbiale.Estimer (...) beau, coupable, digne, indispensable, juste, nécessaire, préférable (...). Il trouvait ces biens mal acquis. Il n'estimait pas honorable de faire par surprise de grands gains n'impliquant aucun travail (Renan, Souv. enf.,1883, p. 91).Elle estimait avoir largement fait son devoir envers ces deux petites créatures sans intérêt (...) Elle n'était pas loin d'estimer tout cela fort moral, et de penser qu'en cette affaire, elle avait le beau rôle (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 166).♦ Emploi pronom. réfl. Elle était, à ses propres yeux, du moins, la plus excitante princesse du monde et il fallait renoncer de bonne grâce à trouver une femme qui s'estimât plus exquise (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 248).
− Estimer + inf. ou constr. inf.Il signifia rudement à sa femme qu'il faisait ce qu'il estimait devoir être fait (Aymé, Jument,1933, p. 187).
− Estimer + prop. complétive introduite par que (à l'ind. si la tournure est affirmative, au subj. si elle est négative, à l'ind. ou au subj. si elle est interrogative).Il estimait à juste titre que sa sécurité dépendait pour une grande part du secret de son domicile (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 178).