1. [En parlant d'une chose] Ce qui n'est pas loi, est hors de l'essence du gouvernement (Chateaubr., Essai Révol.,t. 2, 1797, p. 334).La contradiction est l'essence des choses humaines (Renan, Drames philos.,Eau jouvence, 1881, V, 3, p. 508):4. L'amour se fane dans une atmosphère de contrainte. Son essence est la liberté.
Maurois, Ariel,1923, p. 17.
2. [En parlant d'une pers.] Son essence étant la bonté, elle [Claire] ne peut cesser de faire le bien qu'en cessant de vivre (Cottin, C. d'Albe,1799, p. 201):5. Clément était d'essence aérienne. Il ne savait pas marcher; il avançait par petits bonds, en se jetant de côté, et semblait le jouet des vents.
France, Pt Pierre,1918, p. 257.
SYNT. Il est de (dans) l'essence de qqc. ou qqn, de + inf., que; l'essence de qqc. est dans + subst., de + inf.; les éléments qui constituent font l'essence de qqc.; être l'essence de qqc.; avoir qqc. pour essence; c'est là son essence! Examiner qqc. en son essence; être transformé dans son essence; épuiser, réaliser l'essence de qqc.; réduire qqc. à son essence; être de telle façon de, dans, en, par son essence.
− Loc. adv. Par essence. Par définition, par nature. L'ambitieux est par essence mécontent de tout ce qu'il possède (Maine de Biran, Journal,1816, p. 164).L'histoire narrative est inexacte par essence (France, Vie littér.,1890, p. 124).
3. P. ext. a) Ce qu'il y a de plus important. Contenir l'essence de qqc., dégager l'essence de qqc. Synon. essentiel.Telle pensée qui contient l'essence d'un livre tout entier (Joubert, Pensées,t. 2, 1824, p. 147):6. J'aurais voulu d'un tel livre [les Éblouissements de la comtesse de Noailles] (...) essayer de dégager d'abord l'essence et l'esprit.
Proust, Chron.,1922, p. 187.
b) Ce qu'il y a de plus pur, de plus original. J'ouvris quelques-uns de ces livres, c'étaient de plats romans de 1780 mais pour moi c'était l'essence de la volupté (Stendhal, H. Brulard,t. 1, 1836, p. 197):7. Quel étrange contraste! Gavarni, − ce Gavarni que la postérité se figurera comme le maître et l'essence de l'élégance, lui qui a chiffonné dans ses dessins tant de soie, tant de luxe, le dessus du panier de Paris...
Goncourt, Journal,1863, p. 1361.
c) Expr. [Le plus souvent en parlant d'une pers.] Être, se croire d'une essence autre, différente, supérieure. Nous te regardions comme fait d'une autre essence que nous (Mille, Barnavaux,1908, p. 289):8. Il [un lieutenant] était sûr de soi, satisfait, gras, et puis, officier français, petit bourgeois à la tête d'une compagnie de la Légion étrangère, il se croyait d'une essence supérieure...
Cendrars, Main coupée,1946, p. 101.
Rem. On rencontre ds Rob. Suppl. 1970 le verbe trans. essentialiser, qui signifie en philos. « tirer une essence d'une existence ». Le propre de l'existence, c'est de se donner à elle-même une essence, c'est-à-dire de retrouver un accès vers cet être qui est le lieu même de l'essence. Ce n'est pas à l'essence qu'il appartient de s'existentialiser. C'est plutôt à l'existence qu'il convient de s'essentialiser (L. Lavelle, Introduction à l'ontologie, Paris, P.U.F., 1947, p. 83).