1. Qui ne repose sur rien, qui n'est pas fondé, justifié. Affirmation, hypothèse, supposition gratuite. L'élection amoureuse est, comme l'élection divine, tout à fait gratuite. Elle ignore ses propres motifs (Renan, Feuilles dét.,1892, p. 12).Sans être absurdes, ces considérations sont purement gratuites et échappent, de par leur nature même, à tout contrôle expérimental (J. Rostand, Genèse vie,1943, p. 187) :2. « La mélancolie est un enthousiasme déçu. » Pensée évidemment gratuite, la mélancolie pouvant constituer chez un individu une constante due à un tempérament natif et n'être nullement précédée d'enthousiasme.
Benda, Fr. byz.,1945, p. 267.
2. Qui est fait sans but déterminé, qui constitue une fin en soi; qui ne sert à rien. Crime gratuit; cruauté, méchanceté gratuite. Qu'y a-t-il de plus gratuit qu'une collection de timbres-poste? (Sartre, Sit. II,1948, p. 211).Je suis (...) en train d'écrire un roman (...) tout à fait gratuit, où je raconte des trucs pour mon seul plaisir (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 136) :3. Le propre de l'intelligence humaine est d'être devenue un jeu gratuit qui s'exerce pour son propre plaisir, souvent sans but précis ni intérêt bien défini.
J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 281.
♦ Acte gratuit. ,,Acte réfléchi mais sans motif, c'est-à-dire résultant d'une décision complètement arbitraire`` (Foulq.-St-Jean 1962). V. acte ex. 2.
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Emploi subst. masc. sing., littér. Ce qui est fait sans but déterminé, ce qui constitue une fin en soi; ce qui ne sert à rien. Ne pas savoir admirer l'économie, la suppression de l'inutile, autant que l'on eût fait la fantaisie, le postiche et le gratuit (Gide, Journal,1902, p. 125).V. aussi
clef ex. 17 :
4. Il n'y a aucune raison pour que notre passé soit tel ou tel : il apparaît dans la totalité de sa série comme le fait pur dont il faut tenir compte en tant que fait, comme le gratuit.
Sartre, Être et Néant,1943, p. 164.
− Littér. [En parlant d'une pers.] Dont l'existence constitue une fin en soi; qui ne sert à rien. Certains êtres (...) qui soudain, au tournant d'une rue, semblaient jaillir du sol ou tomber des étoiles, parfaits, gratuits, inévitables (Maeterl., Temple ensev.,1902, p. 235).Les champs retournaient doucement à leur inutilité première; au milieu des champs qu'ils ne pouvaient ni cultiver ni défendre, ces hommes devenaient gratuits (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 137).